vendredi 22 mai 2015

Raid des 7 bornes en Guyane - Réinvestir d'une certaine façon le Territoire national

Presque 50 jours pour faire à pieds 320 kilomètres, soit des journées de marche de 10 à 12 heures au rythme de... 1km/h environ.
 
Si l'expédition en forêt guyanaise appelée "raid des 7 bornes" qui doit débuter le 2 juin ne gagnera pas un quelconque record de vitesse du fait de la végétation et du climat, elle se rendra bien vers des territoires, non pas perdus par la République, mais peu ou pas parcourus depuis des années. En effet, plus de 7 ans qu'aucune présence humaine connue n'a été signalée dans certains endroits.
 
 
Un géographe du CNRS, François-Michel Le Tourneau, à l'origine du projet, deux autres scientifiques (notamment des botanistes), 2 guides locaux, et une quinzaine de légionnaires suivront la frontière terrestre entre la France et le Brésil. Cette ligne, partageant les eaux de l'Amazonie au Sud, et des fleuves Maroni et Oyapock au Nord, est matérialisée par 7 bornes en béton, d'où le nom, qui seront reliées d'Ouest en Est. Une première qui nécessitera d'avaler à pieds plus de 15.000 mètres de dénivelé positif.
 

mercredi 13 mai 2015

Entretien - La guerre hybride sur les flancs de l'OTAN (G. Lasconjarias et A. Jacobs)

Auteurs d’une récente note sur "NATO's Hybrid Flanks - Handling Unconventional Warfare in the South and the East" (PDF), Guillaume Lasconajarias et Andreas Jacobs, deux chercheurs du Collège de Défense de l’OTAN (Rome), ont bien voulu répondre à quelques unes de nos questions, présentant un point de vue personnel sur la question (et non celui de l'OTAN ou de leur institution d'affiliation). 

1/ Quelle distinction faites-vous entre les guerres hybrides d’aujourd’hui, comme peut l’illustrer les récentes événements en Crimée ou dans l’Est de l’Ukraine, et celles d’hier ? 

La question des "formes hybrides" dans l’histoire de la guerre est finalement un débat ancien, et très rapidement, on pourrait arguer du fait qu’aujourd’hui, nous n’observons rien de neuf mais avons une sorte de "vin ancien dans des bouteilles neuves". La notion d’hybridité renvoie à la question d’un mélange, d’une mixité entre des formes ou des éléments, au service d’une même fin : les lecteurs familiers du monde automobile connaissent d’ailleurs l’exemple de cette voiture japonaise hybride, qui fonctionne selon l’instant soit à l’électricité, soit à l’essence, les deux combustibles servant à nourrir le moteur. Dans les scénarii militaires, le Secrétaire général de l’OTAN aime évoquer la guerre de Troie et le cheval du même nom pour désigner le rôle de la ruse et du camouflage dans l’histoire : nous voyons donc bien que ce n’est pas là chose nouvelle. Celui qui a popularisé cette notion, Frank Hoffman, relève des dizaines de cas, à tous les échelons et dans toutes les périodes historiques, de ces formes mélangées et mixtes. Le principal problème tient à des définitions qui sont imprécises : on ressort la notion de combat asymétrique, de combat hors-limite (des colonels chinois Liang et Xiangsui), de guerre de 4e génération, voire de techno-guérilla ou de guerre non-linéaire, mais nous n’avons aucune définition qui fasse consensus. 


Cette absence de définition est une limite que nous pouvons dépasser en observant l’importance de certains éléments que l’action russe en Crimée et en Ukraine a renforcé. Clairement, le point essentiel tient dans le rôle joué par les dimensions non-militaires du conflit, par exemple au travers d’actions économiques et sociales, le tout soutenu et appuyé par des actions médiatiques et de communication. Les acteurs sont aussi différents : comme il s’agit de jouer sur l’ambigüité et sur un effet de seuil - nous entendons par-là un niveau qui conduise à une escalade et à une intervention armée d’autres acteurs extérieurs -, on use de parties autres au conflit, des groupes de miliciens, des terroristes ou des criminels, tout en employant des forces spéciales camouflées, les "petits hommes verts polis" de Poutine. Les forces régulières sont en soutien, elles peuvent même entrer en action, mais uniquement en dernier recours, et sans jamais déployer toutes leurs capacités. Un rappel qu’a fait utilement le général Gomart (DRM) dans son audition à l’Assemblée nationale en montrant qu’effectivement, les Russes n’avaient pas déployé d’antennes médicales ou de commandement et de C2… 

De fait, si nous devions insister sur un point, ce serait la notion de simultanéité : on conduit des actions politiques ambiguës et des opérations qui ne le sont pas, en utilisant des acteurs étatiques comme non-étatiques, des tactiques non-conventionnelles avec des armements de dernière génération, et cela dans un environnement physique et psychologique où on frappe les esprits d’abord, les corps ensuite.


mardi 5 mai 2015

Histoire - L'Escadron Bleu en 1945 - Des volontaires françaises pour rapatrier les prisonniers de guerre

Eléonore Charrié, étudiante en Master 1 de Relations Internationales de l'université Lyon 3, s'est intéressée à un pan méconnu de l'immédiat après Seconde Guerre mondiale : les activités d'une unité française de volontaires de la Croix-Rouge servant de conductrices-ambulancières pour rapatrier les militaires français détenus dans les camps de prisonniers d'Europe de l'Est.
 
 
Elle nous en dit plus sur ses travaux de recherches, qui donnent lieu du 8 au 10 mai à une exposition à la mairie de Fontenay-le-Fleury (Yvelines), avant d'être sans doute présentée ailleurs en France dans les mois à venir. Elle donnera également une conférence sur ce thème le samedi 16 mai (10h45), toujours à Fontenay-le-Fleury (cf. le programme).
 
1/ Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux conductrices-ambulancières de cet Escadron Bleu ?

Lorsque je suis arrivée aux Etats-Unis à l'été 2012, je me suis présentée à l'Army Women's Museum, sur la base militaire de Fort Lee (Virginie), à la recherche d'une place en tant que "volonteer" pour l'été. La directrice du musée, le Dr Françoise Bonnell, m'a tout de suite mise dans la confidence : elle ambitionnait de préparer une série d'expositions consacrée aux femmes militaires dans différents pays du monde, sur la période post-Seconde Guerre mondiale jusqu'à nos jours. Puisque j'étais au musée, nous commencerions par la France. J'ai donc appelé quelques personnes qui pourraient m'aiguiller dans mes recherches, à commencer par mon grand-père, général de l'armée de Terre à la retraite. Il m'a donné les coordonnées d'un ami de la famille, Hugues Watin-Aaugouard, un ami de la famille, dont la mère avait servi pendant la Seconde Guerre mondiale. Je n'en savais pas plus à ce moment-là.
 
En rentrant en contact avec lui, je me suis rendue compte que ces femmes n'étaient pas des militaires, mais des engagées volontaires de la Croix Rouge Française. J'ai tout de même demandé à en savoir plus. A l'été 2013, je m'étais entretenue plusieurs fois avec certains des enfants de ce fameux Escadron bleu et avait récupéré photos, journaux de bord, articles de journaux et lettres d'époque. En parallèle, je continuais mes recherches, plus générales, sur les femmes françaises militaires. Jusqu'à ce que le Dr Bonnell m'annonce, en juin, qu'elle abandonnait son idée de départ, et que nous ferions l'exposition sur l'Escadron Bleu. L'exposition a été mise en place pour la première fois début septembre 2013, et est restée au musée jusqu'en mars 2014.