mercredi 7 août 2013

Il parait que le projet de la LPM 2014-2019 est sorti (+MAJ 1 + 2)

Dévoilé le 2 août, le projet de la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2014-2019 (cf. sur le site du Sénat) attendra pour avoir le débat à la hauteur des enjeux. La salle de presse du ministère de la Défense ne connaissait pas l'influence des grands jours en ce vendredi après-midi d'un chaud été où les sujets ne manquent pas : dramatiques accidents ferroviaires (au passage : "la loi des séries n'existe pas"), tragiques noyades, canicule, etc. Les questions posées tournaient autour de "guerres picrocholines" (cf. à titre d'illustration la colère du CEMA) et les retombées ont été globalement limitées au jour même.


AMX-10 RC à Tessalit (Mali) - Il va devoir durer (crédits : ECPAD)
A noter : l'absence de tatouage visible sur le corps de ce légionnaire...

Puis, rapidement, les vrais sujets d'importance concernant l'avenir de la Défense de la France sont réapparus, parmi lesquels, nous ne manquerons pas de citer le "poignant et émouvant" communiqué d'un "député-webmaster" sur le choix iconographique d'un site régimentaire de la Légion étrangère. La hauteur de vue et la manière de procédé de certains ne cesseront jamais d'étonner... Passons.
 
Après avoir "fixé le cap" (il parait que c'est à la mode comme expression chez les commentateurs politiques...) via le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale paru en avril (cf. ici l'article paru à cet occasion), le projet de LPM présenté donne le cadre, notamment financiers pour la Défense. En plus d'un certain nombre de dispositions via des modifications ou de nouveaux textes législatifs : renseignement, protection face à la cybermenace, ressources humaines, traitement pénal des affaires militaires, gestion des personnels, etc. Quelques remarques.

1. C'est un projet et comme tout projet il sera potentiellement amendé et débattu à l'Assemblée et au Sénat. Les Commissions en charge des questions de Défense ont préparé un certain nombre d'auditions (grands commandeurs, représentants du personnel et industriels) en septembre,  avant un vote espéré à la mi-novembre. Ces travaux seront menés en parallèle du Projet de Loi de Finances (PLF) 2014 avec l'objectif de ne pas rendre caduque la LPM dès la 1ère année. Peut-être qu''un débat ressurgira à cette occasion. Notons que seuls des chiffres globaux (crédits de paiement hors charges de pensions et ressources exceptionnelles - Rex, dont l'inscription en LPM est une première), dont l'élasticité est toute relative, sont contenus dans les 36 articles. Le détail, notamment les dates de lancement de programmes et les cadences de livraisons, ne sont contenus que dans le "rapport annexé" et sont donnés, d'une certaine façon, à titre indicatif.

2. Les 1ères remarques (faciles), en-dehors de satisfecits sur la tentative d'équilibre trouvé entre tous, ont généralement porté sur la valeur des Rex et devraient être encore au cœur des débats. Il devrait en être de même pour les crédits consacrés à l'entretien programmé du matériel (maintenance, pièces, etc.) et à l'activité opérationnelle (carburant, munitions, etc.), 2 sujets sur lesquels les chefs d'état-major ont annoncé être particulièrement vigilants. Ces crédits devraient augmenter pour maintenir durant les 2 à 3 premières années l'activité au niveau d'aujourd'hui (activité qui est très en-dessous actuellement des normes fixées par l'OTAN). Il en est de même pour la ligne consacré aux "petits équipements" et des programmes dits de "cohérence", qui fait vivre de nombreuses PME et qui atteint, à première vue un niveau relativement bas... Enfin, sujet "casse gueule" pour l'opposition, la question des suppressions de postes. Que cela soit en relatif ou en absolu, certains devraient être discrets... Lors de la précédente LPM, ce fût - 17% ou 54.000 postes sur 331.000 et pour l'actuelle (en comptant les +/- 10.000 de la précédente), "seulement" -12% ou 33.675 sur 283.735...


Schéma extrait d'un rapport d'information parlementaire (cf. annexes pour d'autres capacités)
En rouge : la rupture temporaire de capacités (RTC) pour tenir le contrat opérationnel  

3. L'autre sujet qui ne manquera de ressurgir est celui de la planification indicative (tant que le contrat n'est pas formellement signé, c'est indicatif...) en termes d'équipements (lancement et livraisons) avec en dehors des programmes à très fort affichage politique (drone, satellites, ravitailleur, etc.), des programmes pour lesquels le moindre retard (pour des raisons industriels ou de définition des besoins) aura de graves conséquences en termes capacitaires. Citons, à titre d'exemple, BATISMAR (bâtiments d'intervention  et de surveillance maritime) alors que notre ZEE risque d'être dégarni, le retrait du service de certains bâtiments actuels étant inéluctable, EBRC (Engin blindé de reconnaissance et de combat) pour remplacer l'AMX-10 RC et l'ERC90 dont les GMP (groupe moto-propulseur) devront tenir miraculeusement d'ici là, rénovation des Mirage (2000-D et 2000-5) avec l'intégration notamment de nouveaux missiles air-air, l'auto-directeur de la précédente génération arrivant en fin de course, MMP (Missile Moyenne Portée) alors que les actuels missiles MILAN seront périmées sous peu, etc. Et au final, à ceux pour qui les livraisons de matériels majeurs sont baissées, des compensations sont faites via des contrats de modernisation de certains appareils ou des crédits d'études-amont, et le pari est fait que leur pan civil les aidera à tenir.

4. Néanmoins, il est possible de relativiser la portée de cette LPM qui n'est au final ni la LPM d'attente crainte par certains (tout de même 16 à 18 milliards d'€ d'investissements pour les équipements en moyenne par an), ni la LPM de production espérée (1 sous-marin Barracuda au lieu de 2, 15 A400M au lieu de 31, etc.). Ce n'est pas tant les 6 prochaines années qui sont éclairées avec certitude par ce projet de LPM, mais surtout les 2 à 3 prochaines. C'est le cas pour les Rex dont le ministre de la Défense garanti avec assurance le montant pour 2014 et 2015. C'est le cas pour les paris liés à certains contrats d'exportation avec la "clause de révision" prévue fin 2015 en cas de glissement. C'est le cas pour les hypothèses de croissance laissant espérer un maintien hors inflation puis une hausse à 1% volume du budget annuel en fin de période. C'est le cas du fait des élections présidentielles prévues en 2017 (2 années avant la fin de la LPM) qui conduiront dans la foulée à rédiger un nouveau Livre blanc comme cela est suggéré dans l'Introduction de celui sorti en avril 2013.

Un tout jeune C160 Transall au-dessus de la Lituanie (crédits : ECPAD)
 
5. En somme, cela a le temps de changer d'ici la fin de la LPM et la bosse (sans compter le report de charges - "la dette interne de la Défense") qui est face à nous, bien qu'en partie attaquée par cette LPM équilibrée mais non miraculeuse, et surtout poussée devant nous... En effet, le modèle d'armées 2025 comme décrit par le nouveau Livre blanc nécessitera une LPM 2019-2024 de très forte production (du fait du report du lancement de programmes et du ralentissement du rythme de livraisons). Elle devra nécessiter un niveau financier sans doute inatteignable dans les faits. A trop faire des coupes homothétiques sans choix clairs d'abandon de capacités, adieu donc le modèle 2025 ? C'est possible. Au pire, lors du prochain Livre blanc, les données de la problématique et le constat seront sensiblement les mêmes, facilitant le processus de décision... Nous n'en sommes pas encore là.

6. A noter :

Espéré et attendu, voir quasi annoncé, et pourtant rien. Dans ce projet de LPM, pas un mot sur la question des ESSD (entreprises de services de sécurité et de défense)... En attendant, il est toujours possible de lire le compte-rendu d'un colloque sur ces questions et les professionnels du secteur comme ceux qui ont besoin de ces services, attendrons encore.

"Politique d'exportation", "soutien aux exportations", etc. C'est bien de le dire, mais, pareil, pas un mot dans ce projet de LPM (à part sur les instruments de contrôle via un prochain rapport au Premier ministre). A croire que le dispositif actuel est exempt de reproches. D'ailleurs, soulignant le niveau d'intérêt, le dernier rapport parlementaire sur le sujet remonte à 2006 (cf. ici), il me semble...

Enfin, bonnes vacances à ceux qui en ont (Mars Attaque rentre en rythme de publication estivale) et bonnes permissions à tous. Une pensée particulière pour ceux que les rumeurs distillées par "radio popote" font trembler en faisant penser que le couperet vengeur tombera sur leurs unités à partir de 2015 et à ceux que les mesures de "départ volontaire fortement incitatif" (promotion fonctionnelle, retraite au grade supérieur et pécule de départ) font craindre pour l'avenir... Courage.

MAJ 1 : le colonel Michel Goya signale sur Twitter cet article : "Prévisions de croissance : la grande illusion" (par Olivier Berruyer, de l'Institut des Actuaires). Il est vrai qu'à force de relativiser et critiquer toutes les prévisions, nous serions tentés de ne plus en faire, et pourtant. Planifier (en se basant sur des hypothèses dénuées d'arrière-pensée politique) est hautement utile et absolument nécessaire. La critique des prévisions ne doit donc pas être dogmatique. Au final, l'article signalé permet de mettre en perspective la crédibilité de l'hypothèse de remontée en volume du budget de la Défense du fait du retour de la croissance en fin de LPM.

MAJ 2 : les débats parlementaires sur ce projet de LPM et les élections municipales puis régionales, rendues sensibles avec la possible disparition de certaines unités, s'annonceraient-ils si complexes qu'ils nécessiteraient le renforcement des personnes assurant le lien entre le ministère et les élus ? Possible. Le cabinet du ministre de la Défense a en tout cas été (discrètement) renforcé sur ces problématiques (cf. au JO) via la nomination d'un conseiller supplémentaire. Il s'agit d'Hugo Richard en charge des relations avec le Parlement et les élus, qui soutiendra l'action de Christine Mounau-Guy en charge seule jusqu'alors de ces questions.

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