samedi 7 avril 2012

Questions militaires : la France au Mali, la CEDEAO et les forces armées du Mali (+MAJ)

Au Mali, une opération militaire ne sera pas la solution ultime, un retour à l'ordre constitutionnel (sachant qu'un retour à l'ordre ante crise n'est pas assuré) ne sera pas possible uniquement via le déploiement de militaires, les problèmes de fond et déséquilibres économiques, sociaux et autres ne seront pas résolus par une approche purement militaire.

Il est vrai que les questions militaires dans la crise actuelle au Mali (et dans le sous-ensemble régional) ne doivent pas focaliser l'attention des observateurs plus que de mesure . Néanmoins, elles ne peuvent être complètement écartées. Voici donc quelques réflexions en passant (les commentaires sont évidemment bienvenus !).


Pensons "ensemble sous-régional" et non pays par pays
Crédits : Courier International

La coopération française au Mali

Le ministre français des Affaires étrangères et européennes le martèle : la France n'interviendra pas militairement au Mali (sinon, à quoi sert les efforts français effectués depuis des années pour épauler la montée en puissance de forces africaines autonomes ?)... mais un soutien logistique (lequel ?) pourrait être fourni à la CEDEAO. En France, des hommes sont en alerte, au moins pour une possible évacuation de ressortissants, Never Say Never again.

Rappelons juste que les Forces armées du Mali profitent depuis des années d'une importante coopération militaire structurelle de la part de la France. Coopération, qui à la différence de la coopération opérationnelle, vise à "structurer l'outil de Défense du pays hôte", dans le long terme et en faisant effort sur les élites, les écoles, etc. En comparaison, la présence américaine semble plus discrète (des forces spéciales pouvant néanmoins aussi grenouiller).

Via la DCSD (Direction de la coopération de sécurité et de défense, organisme du Quaid'Orsay), la France assure le pilotage ou la gestion des projets. Au Mali, pas moins de 14 coopérants "Défense" permanents français sont présents (seuls Djibouti, le Gabon, leCameroun et le Maroc en abritent plus) et 5 coopérants "Sécurité intérieure/protection civile".

L'École de Maintien de la Paix de Bamako (située jusqu'en 2002 en Côte d'Ivoire) est le projet phare d'école nationale à vocation régionale (ENVR), qui vise à former les officiers de laCEDEAO aux missions d'état-major tactique dans les opérations de maintien de la paix (avec des focus sur le rôle d'observateurs de l'ONU, actions civilo-militaires, etc.).

Il ne s'agit donc pas de donner du muscle à des armées en renforçant leurs tactiques d'infanterie, d'appui, etc. mais plutôt de développer du liant et des bases de travail communes, en relation, pour l'opératif, avec le centre "Kofi Annan" du Ghana et au War College d'Abuja (Nigeria) pour le stratégique.

Cette coopération se retrouve lors des exercices des années passées de montée en puissance de la Force en attente de la CEDEAO (FAC) qui, s'inscrit dans le cadre continental de la Force africaine en attente (FAA) visant à rendre opérationnelle en 2010 des capacités africaines de maintien de la paix.

En plus, des projets ont lieu à l’École d’État-major de Koulikoro et à l’École Militaire d’Administration. Des stages de pilotage pour les aviateurs ont aussi été assurés pour des avions légers d'observation (voir ici), les pilotes des hélicoptères d'attaque (en particulier Mi-24 livrés par l'Algérie en 2007) étant apparemment d'origine européenne (Europe de l'Est ?).

La CEDEAO en alerte : so what ?

Hier, les chefs d'état-major des armées ouest-africaines de la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, organisation régionale créée en 1975) se sont réunis à Abidjan pour discuter de l'envoi d'une force militaire en Mali. Un "mandat" aurait été trouvé pour définir la mission de cette force estimée entre 2000 et 3000 hommes.

Actuellement, des questions demeurent. Quels buts ? Action limitée à Bamako entérinant de facto l'indépendance de l'Azawad et le fédéralisme/partition du Mali ? Faire de l'interposition entre 2, 3 voir 5 factions (pro-putschistes, pro-gouvernement, Touaregs/MNLA, katibas AQMI) ? Restaurer une souveraineté à Bamako puis ensuite épauler une reprise du Nord ?

Et cela avec que 3000H qu'ils restent encore à déployer sur place (avec quels moyens ? dans quels délais ?) après avoir générer la force et avoir donc battu le rappel pour trouver des armées volontaires (Nigeria qui a déjà Boko Aram, Côte d'Ivoire a minima déjà trop occupée en interne, Ghana, Togo, peut-être Sénégal, etc.).

Tout cela dans un rapport de force limite, face à des adversaires qui ont montré ces dernières semaines des qualités guerrières (volonté et capacités de manoeuvre) en plus de disposer d'un équipement lourd et en quantité (merci les stocks à l'air libre libyens ou les stocks pillés des forces armées maliennes, en particulier ceux de Gao).

Si le mandat est trop exigeant, 3000H semblent peu. Si il est trop faible, cette mission pourrait rappeler les déconvenues des casques blancs de l'ECOMOG (Economic Community of WestAfrican States Cease-fire Monitoring Group), en particulier au Libéria, emmenée alors principalement par un contingent du Nigeria.



Notez le message dans les premières secondes de la vidéo...
Plus simple de casser des briques que de reprendre Gao et Tombouctou ?

Et les forces armées maliennes ?

Réputées d'un bon niveau, les Forces armées du Mali se sont pourtant effondrées en quelques jours. Alors même que le putsch du CNRDE (des militaires pour avoir pris un tel acronyme...) le 22 mars était une réponse à ce que les putschistes définissait comme une "mollesse" du gouvernement face aux avancées dissidentes dans le Nord.

Or, d'officiers subalternes (le rang moyen des principaux leaders du CNRDE), on ne s'improvise pas en quelques jours général capable de planifier et mener une contre-attaque face à un adversaire qui profite des flottements dans les rangs, de l'absence d'une autorité politique de référence, un Prince, à Bamako et qui est dans un rapport de force local presque en sa faveur.

Enfin, dernière raison, qui n'est qu'une hypothèse, l'effondrement ne serait-il pas aussi dû aux conséquences de réflexions opérationnelles caduques. Au Mali (et ailleurs), à force d'apprendre aux armées à mener des opérations de maintien de la paix de basse intensité, dès que la tempête de combats de haute-intensité déferle, n'y aurait-il plus alors personne ?

Si des efforts ont été faits pour passer en Afrique d'armées des habitudes aux armées des besoins, n'y aurait-il pas néanmoins eu un rééquilibrage trop important laissant les quelques 7.000 militaires maliens non préparés, mal équipés, et en somme, entraînés à tenir des check-points et non à monter à l'assaut ? Facile à dire a posteriori, j'en conviens.

Et tout cela n'aborde pas les questions posées par la présence de certaines "groupes" qu'Abou Djaffar devrait traiter sous peu... Patience.

MAJ 1 : le ministre français de la Défense aurait indiqué que l'aide possible française pourrait consister à transporter les troupes de la CEDEAO au Mali (via des avions de transport) et ainsi accélérer leur regroupement sur place.

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