mercredi 22 février 2012

Sur les manifestations en Afghanistan : pics épisodiques de violence et malaise plus profond (+MAJ)

[j'avais l'opportunité de passer ce soir sur France 24 (désolé, je me la pète un peu) pour apporter un éclairage sur les manifestations actuelles en Afghanistan. Cela ne pourra en fait se faire (tant mieux, j'étais un peu-beaucoup-énormément stressé), donc voici quelques points en style "prise de notes" que j'aurais aimé développer]

- réaction rapide de l'ISAF : moins de 2 heures après que l'information soit rendue public, la machine de com' isafienne donnait ses 1ers résultats. Message vidéo d'excuses du général John Allen (cf. ici), communiqués, rencontres avec les autorités afghanes. Non faites, ses mesures auraient manqué, faites, elles ne suffisent néanmoins pas à désamorcer la crise.

- dix ans d'opérations et toujours pas de "cultural awareness" : une directive a été rédigé (cf. ici) ordonnant que d'ici le 3 mars, l'ensemble des troupes en Afghanistan reçoive une formation sur la manipulation des objets religieux. Faut-il attendre un nouveau cas comme celui-çi pour(enfin) un vrai effort sur les connaissances culturelles de base en terre d'Islam ?

- les villes afghanes sont souvent en ébullition : des cas similaires de manifestations violentes ont déjà eu lieu en Afghanistan. Mai 2006 lors d'un accident de circulation causant la mort de civils, juillet 2010 (pour les mêmes raisons et toujours avec un véhicule de la coalition en faute) ou avril 2011 suite à la volonté d'un pasteur de Floride voulant brûler un Coran.

- des épisodes violents mais souvent courts : pendant deux/trois jours, voir une semaine, les soupapes de décompression des différentes grandes villes du pays (Kaboul, Mazar e Sharif, Kandahar, Hérat, Jalalabad, etc.) sautent. Les épisodes sont souvent violents (tirs à balles, jets de pierre, etc.), les étrangers (toutes nationalités confondues) étant particulièrement visés.

- des intérêts divergents : je dis "les étrangers", car à cette colère première face au sacrilège de livres saints brûlés s'agrègent différentes raisons de ras-le-bol : un ras-le-bol général contre la présence des étrangers, contre les promesses du gouvernement qui n'arrivent pas, etc. L'événement est donc un déclencheur de réactions aux intérêts plus complexes et globaux.

- et concernant la France ? Hier, une manifestation semble s'être déroulée dans la province de Kapisa, zone de responsabilité française. Les militaires français seront-ils visés ? Faisant suite à une récente affaire peu claire de frappes aériennes sur des civils, ce nouvel épisode peut encore plus complexifier les relations, les Français pouvant être mis dans le tout "coalition".


- la nécessité de l'ANCOP : ses événements montrent bien l'intérêt de disposer d'une force afghane de style "gendarmerie mobile" pour gérer des manifestations (en particulier l'utilisation de la force non létale). Les gendarmes français forment, à Mazar e Sharif et dans le Wardak, l'ANCOP (Afghan National Civil Order Police). Mais il reste encore du boulot.

MAJ 1 : la lecture complémentaire de cet article peut s'avérer intéressante : Profanation du Coran : nouvel accès de colère contre l'armée américaine (France 24). Alors "maladresse" (ou "connerie" pour employer un vocabulaire "plus vrai") ou réelle volonté de nuire ?

L'abécédaire du drone : à vos claviers !

Alors qu’hier était fêté (sans cotillon ni champagne) le 11ème anniversaire du premier tir d’un drone sur une cible terrestre, l’Alliance Géostratégique se donne pour objectif de revenir durant les prochaines semaines sur les différentes problématiques engendrées par l’emploi passé, présent et futur de tels outils.

En effet, que de changements depuis le tir par un drone RQ-1 Predator de ce missile AGM-114Hellfire sur une vieille carcasse rouillée de char dormant sur la base de Nellis dans le Nevada ! Que les questions soient techniques, éthiques, stratégiques, tactiques, politiques, elles ne manquent pas et se posent et se poseront, sans doute avec encore plus d’acuité.


Pour saisir, imparfaitement et partiellement, le vaste champ de questionnement, voici un abécédaire introductif qui en présentent quelques aspects. Il peut être complété par vous, et vos contributions, que nous espérons nombreuses, pourront venir creuser l’un ou l’autre des aspects (à envoyer à alliancegeostrategique@gmail.com).

samedi 18 février 2012

[Humour] Officier de l'armée de Terre : mythe et réalité


Très orienté US comme vision mais, il y a beaucoup de vrai tout de même dans cet avatar de la célébré série... (cliquer dessus pour agrandir)

jeudi 16 février 2012

Au défi des ESSD (kesako ?) : mythes, réalité et Raison (+MAJ 1, 2 et 3)

Ce sont des députés bien au fait des questions de défense (cf. leurs interventions ici ou ici), Christian Ménard (UMP et Finistère) et Jean-Claude Viollet (PS et Charente), qui ont été en charge de se pencher (une nouvelle fois) sur la question des "Sociétés militaires privées"

Comme il est dorénavant de coutume pour de nombreux rapports rendus à la commission de la Défense et des forces armées de l'Assemblée Nationale, celui rendu le 14 février est bipartisan (une saine volonté d'ailleurs que cette approche).

Le landerneau stratégique s'agite à l'évocation de ce rapport car les députés préconisent la création et l'encadrement d'entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD, nouvel acronyme qui rejoint la déjà longue famille des acronymes à ce sujet : SMP, SSI, SPER, etc.).

Serait-ce seulement un xième rapport qui restera au rang de pavés utiles pour caler les armoires sans pied comme les travaux précédents de l'EMA, du SGDSN, du CICDE et j'en passe ? Une nouvelle étape ? Le début de la fin d'un monde ? Un nouvel acte d'asservissement à un modèle américain que l'on déteste mais que l'on copie ?

Dépasser la loi de 2003 réprimant l'activité de mercenaire
mais sans en oublier les principes politiques...

Proposition et projet de loi n'ont pas force de loi

Minute, car rien n'est encore fait. Le rapport est déposé, les députés ont (ou seront) auditionnés, et il sera alors rendu public. Les conjonctures actuelles pourront venir s'étayer sur les conclusions du rapport et non sur certains biais cognitifs s'appuyant sur l'imaginaire mythique, en particulier du "monde mercenaire à la papa" ou des SMP de cowboys en Irak.

En effet, si les députés ont formulé une proposition de loi, que cette dernière passe à l'état de projet de loi (rédigé et validé par différents organismes), elle ne semble pas encore avoir été déposée. Et encore moins débattue à l'Assemblée Nationale, voté, transmis au Sénat, corrigé, etc. Rien de définitif au moins d'ici les élections, avec la fin de la 13ème législature.

De plus, et bien que le rapport soit bipartisan, et qu'il pourrait laisser croire à une certaine entente entre les partis, il n'y a aucune certitude sur le rapport de forces politique autour de cette question des ESSD. Cette question peut-elle être dite de droite ou de gauche ? A mon avis, pas vraiment...

Qu'est ce qu'une ESSD française ?

Ensuite, il faut noter l'extrême diversité des réalités (et je parle ici de réalités et non de constructions basées sur des exemples étrangers) que couvre l'appellation d'ESSD. Certaines, n'ayant donc pas encore ce dénominatif, existent et pourraient le recevoir : Amarante, Galice Security, Anticip, Epee, Risk & Co, Geos, Risksgroup, Strike Global Services (et j'en oublie).

Surtout, je n'aborde pas l'activité de certaines branches de grandes multinationales qui participe à ce processus d'externalisation de certaines fonctions non-combattantes des forces armées : Sodexo par exemple, les entreprises de gardiennage (en France mais aussi à l'étranger), etc.

Une première ligne de fracture peut être faite entre les activités à destination des entités privées ou celles exécutées au profit d'entités publiques, pour des entreprises et/ou des particuliers ou alors pour l' État. Il y a une différence (non pas pratique mais politique) entre assurer la sécurité à l'étranger de multinationales et assurer celle des bâtiments d'ambassades.

Une seconde ligne de fracture existe entre des activités qui complètent celles étant du domaine régalien et des activités qui se substituent à celles de l'État. En gros, entre des activités que l'État ne peut plus assurer (pour des raisons bien réelles de coûts politiques ou budgétaires) et celles que l'État n'a pas (n'a plus, si nous nous inscrivons dans la durée) à assurer.

Une troisième ligne de fracture consiste à différencier la nature précise de leurs activités, et non les clients ou les raisons. Comme noté ici, est-ce que la formation, le soutien (logistique, infrastructure, maintenance, etc.) sont inclus ? En gros, les premiers pas de l'externalisation existante (des partenariats public-privé comme Helidax) sont-ils concernés ?


La France n'est pas le Far West ! Et ne doit pas le devenir

Si Le Monde illustre un article sur la question avec un des célèbres "Little Bird" (hélicoptères de poche) de la non moins fameuse (et funeste) société Blackwater d'alors, la question en France ne peut être abordée sous le prisme américain ou anglo-saxon. Les deux marchés, les deux systèmes para-étatique ne sont pas comparables.

Avec des chiffres d'affaires, pour les plus grosses entités, aux alentours de 30 (et non 10 comme initialement indiqué) millions d'€, les entreprises françaises ne pèsent rien par rapport à des entités anglo-saxonnes ayant des CA de plusieurs milliards de $. Ainsi, des véhicules blindés à plus de 100.000 € ne sont clairement pas des matériels que des ESSD françaises peuvent, actuellement, détenir en masse.

Néanmoins, dans le projet de loi, il semble bien que la détention d'armes devrait pouvoir se faire, évidemment sous certaines conditions, suite à une labellisation des entités et des personnes. Le point d'importance étant la nature, la composition et les prérogatives de l'autorité de régulation et de contrôle en charge de l'application de cette loi.

Si ces articles de Loi réduisent la distorsion de moyens avec certaines majeures anglo-saxonnes, nous sommes encore loin de ce modèle. Le défi étant de savoir si le "plus d'externalisation" permis mène automatiquement à un cycle infernal et au système ubuesque américain (où, par exemple, des sociétés privées contrôlent d'autres sociétés privées).

Au final, un sacré défi à relever par tous

C'est donc bien un sacré défi qui semble attendre les différents protagonistes afin de pouvoir faire émerger un modèle français responsable et où chacun puisse y trouver un intérêt (Etat, société, opinion). Ce modèle particulier semble viable, mais il est de la responsabilité de chacun de respecter leur "argumentaire marketing" qui à première vue est cohérent.

Ainsi, oui, les membres de ces ESSR sont souvent d'anciens militaires qui du jour au lendemain ne deviennent pas des "bad guys" irresponsables. Oui, ils peuvent apporter des services utiles. Mais, oui, aussi, l'Etat se doit de toujours avoir en tête les lignes rouges à ne pas franchir en aucun cas pour ne pas faire de jurisprudences.

Pour l'Etat, il s'agit alors de développer son expertise sur la question (il n'est plus possible de se voiler les yeux sur l'existence et l'intérêt de ces entités) et de garder sa volonté politique pour ne pas choisir par dépit des solutions de facilité. Pour les ESSR, il s'agit de de montrer leur respectabilité, en partie via une association professionnelle représentative du secteur .

Ainsi, les ESSR ne seront pas le palliatif à la déliquescence d'un Etat-Providence plus tenable politiquement et financièrement. L'Etat-stratége gardera la main sur l'ensemble para-étatique que représente ces sociétés au service de la projection de puissance géopolitique et géoéconomique. Le monde post-étatique ne peut pas et ne doit pas venir. Du moins, je l'espère.

MAJ 1 : pour mettre en perspective cette question, la lecture de ce point de vue par Philippe Chapleau est utile : Nicolas Sarkozy et la Défense : le monde militaire, d'une société à une famille professionnelle.

MAJ 2 : pour avoir des faits, voici le compte rendu de l'audition des deux députés (analyse à venir)

MAJ 3 : et pour le rapport complet, il est disponible ici Les sociétés militaires privées.

dimanche 12 février 2012

Athènes : pour ne pas souffler sur des braises déjà chaudes...

Des manifestations en marge des débats sur les futures mesures d'austérité nécessaires ont dégénéré ce soir à Athènes (et, apparemment, dans d'autres villes grecques). Theatrum Belli fournit un éclairage sur la situation ce soir, alors même que les violences se poursuivent.

Il est complexe pour un observateur extérieur de suivre les derniers événements. Et cela, d'autant plus que les intérêts de beaucoup de groupes s'entrecroisent et que de nombreuses opérations d'influence sont lancées. En voici un rapide exemple...

Un compte Twitter américain semble à l'origine du premier post d'une image avec un titre particulièrement accrocheur : des policiers anti-émeutes grecques arrêtent certains de leurs collègues qui ont déserté et qui ont rejoint le rang des manifestants. Ambiance et grosse info !

Ce compte est celui du mouvement "Occupy your Congress" qui dans la continuité du mouvement Occupy Wall Street appelle "le Peuple" à occuper son Congrès afin de reprendre le pouvoir détenu par "des politiciens corrompus".

N'aurait-il pas intérêt à ce que la description de la situation à Athènes soit pire que ce qu'elle n'est déjà ? Méfiance donc...

Cette image diffusée à plus de 3000 abonnés a rapidement était retweetée (ou reprise) par plus de 220 autres abonnés qui l'ont ainsi rendu visible à leurs propres abonnés... La diffusion étant alors exponentielle. Apparemment, elle n'a été que peu reprise dans les médias (ouf...).

Au fond, un réseau comme Twitter présente au moins autant de risques que d'opportunités pour s'informer : avoir accès facilement à des informations mais tout en pouvant se faire intoxiquer par des opérations d'influence (à un autre niveau cf cet excellent article sur AGS).

Mais, il offre aussi des opportunités car en quelques minutes les désinformations peuvent être découvertes. C'est le cas pour celle-çi où les lecteurs indiquent que les policiers en photos ne peuvent être des Grecs car la couleur de leur tenue n'est pas la bonne.

Même, un utilisateur arrive à retrouver 9 minutes après qu'elle soit tweetée où la photo a été prise. Elle est tirée d'un site dénonçant l'infiltration de manifestations en 2010 (ou 2007...) par la police canadienne. Rien à voir donc... (quoique).

Maintenant, il n'y a plus qu'à se demander qu'elles étaient les intentions et les buts de chacune des parties prenantes intentionnelles (ou non) de ce stress informationnel : recherche du scoop? volonté de souffler sur des braises déjà chaudes? Etc.

Encore, un exemple qui semble montrer que dans le flux incessant d'informations, un travail de vérification est toujours autant nécessaire... Qui est la source ? Quels sont ces objectifs ? Sinon, malgré soit, il est possible de participer à des desseins autres que ceux de nos volontés...

A méditer par tous les retweeters trop rapides (à commencer bien souvent par moi même)...

mercredi 8 février 2012

[Scoop] Des planificateurs planifient !

Oui, je sais que ce titre est une bien belle vérité de La Palice dont le côté ridicule saute aux yeux. Et pourtant, il semble utile de la rappeler, par exemple, lorsque CNN se sent obligé d'afficher "Breaking News" à la sortie d'un article comme celui-çi.

A la lueur de la situation politique et sécuritaire dans certaines zones géographiques, quel scoop y a t'il à ce que de état-majors de forces armées planifient des opérations militaires en Syrie, en Iran ou dans différentes républiques agitées d'Asie Centrale.

La définition de "planification" est selon la bible des termes, sigles et expressions de l'armée de Terre française (le manuel TTA 106) :
"l'expression concrète de la préparation d’une opération, destinée à permettre de prendre, en temps opportun, les dispositions qui s’imposent tant avant le déclenchement de l’opération que pendant son développement, en fonction d’éventualités prévisibles ou d’événements inopinés".
La planification est donc une étape de préparation des opérations (avec d'ailleurs, un délai plus ou moins court par rapport à l'éventuel déclenchement) qui ne conduit pas nécessairement à la mise en oeuvre de ces plans.

Pour une action efficace, si elle est décidée, la réussite repose en partie sur une préparation minutieuse pour la manoeuvre logistique, la connaissance de la zone et des intentions des acteurs via du renseignement, etc.

C'est donc une réalisation matérielle "au cas où" qui permet de présenter différentes options (du probable au moins probable) pour offrir aux décideurs (l'autorité politique) une palette de choix par rapport à l'état final recherché et aux buts assignés.

Un certain nombre d'organismes militaires (comme en France, le CPCO) participe à ce cycle redondant. Lorsque l'opération est déclenché, cela peut être selon un cycle de 24 ou 72h (selon les normes OTAN). Mais, selon les niveaux de responsabilité, cela peut être des mois avant.

Même, des plans peuvent rester en sommeil pendant des années (étant juste remis à jour pour prendre en compte de nouveaux paramètres). C'est par exemple le cas du plan Neptune en cas d'inondations à Paris, qui est prêt mais qui ne sous-entend pas qu'il sera mis en oeuvre.

En effet, il est nécessaire qu'il y ait un déclencheur (une limite de franchie, un événement, etc.) pour le mettre en oeuvre (ici le niveau d'eau). Sans crue, pas de mise en oeuvre du plan Neptune. Et pourtant les planificateurs ont travaillé, c'est même indiqué dans les journaux...

Ainsi, à mon humble avis, la question n'est pas de savoir si des planificateurs planifient des opérations : la réponse est oui. La vraie question est de savoir pourquoi l'information est-elle sortie au jour. Est-ce ainsi une fuite organisée de manière intentionnelle ?

En effet, l'annonce reprise par les médias d'une planification participe directement à la "vie" d'une crise : elle peut avoir un volet positif en rassurant (les Parisiens) ou en rajoutant un élément dans le duel de volontés que se livre des acteurs.

Cette annonce rappelle que toute la palette des outils est prise en compte : des mesures de rétorsion économiques, des mises en garde politiques et donc aussi des opérations militaires. Et que les acteurs tendent à privilégier l'une ou l'autre à un moment donné.

Elle est donc un élément significatif de la montée aux extrêmes, une carte à jouer pour dissuader et envoyer un message. Espérons ainsi que dans le cas syrien, il ne soit pas nécessaire d'aller au delà des annonces de planification...

dimanche 5 février 2012

Embraer vs Hawker : l'infoguerre continue !

En Janvier, j'avais rédigé un article à propos de la bataille que se livrait Hawker Beechcraft et Embraer au sujet de l'attribution du contrat Light Air Support (LAS) : 20 appareils légers pour des missions l'appui-feu au sol et du renseignement (3 années de soutien et des facilités pour la formation)..

L'US Air Force notifiait fin décembre 2011 ce contrat à Embraer et à l'entreprise américaine associée, Sierra Nevada Corporation, pour environ 355 millions de $. Ce que conteste Hawker Beechcraft, dès les 1ères décisions qui l'écartent du contrat, via un appel (rejeté depuis) auprès du Governement Accountability Office (GAO) puis une plainte à l’US Court of Federal Plaints.

Hawker ne lâche rien...

En plus de cette action en justice, Hawker multiplie les recours en mobilisant les élus locaux concernés par les emplois potentiels et même la société civile via un site web dédié qui permet d'envoyer au Département à la Défense et à chacun de ses élus une lettre leur demandant d'agir.

Depuis le 15 janvier, le nombre de lettres envoyées aux membres du Congrès est passé de 5.900 à 16.000, et au DoD de 800 à 2000. Cette mesure connait donc un succès certain, autant que relatif, ce qui oblige Hawker à poursuivre ses autres efforts de mobilisation.

S'appuyant sur le traditionnel discours sur l'état de l'Union prononcé le 24 janvier par le président Obama, Hawker a rappelé dans un communiqué l'écart entre le discours (préservation des emplois, gestion du budget public, réindustrialisation, etc.) et la décision prise sur le LAS.

Sierra Nevada Corporation contre-attaque!

Sierra Nevada Corporation (SNC) n'a pas hésité à contre-attaquer dans cette guérilla informationelle en décryptant point par point la ligne de défense d'Hawker. C'est donc un communiqué de presse ultra-didactique dans la forme et précis dans le fond qui a été publié.

SNC rappelle ainsi que son produit est déjà "combat proven", que 88% de la valeur de l'appareil proviennent de composants fournis par des entreprises américaines, que des emplois vont être créés grâce à ce contrat, qu'aucun emploi ne sera créé au Brésil, etc.

Plus fort, SNC rappelle qu'Hawker Beechcraft qui se drape dans la bannière étoilée est en fait détenu par une entreprise canadienne, Onex, et une banque d'investissements à la réputation sulfureuse, Goldman Sachs. Comment discréditer son adversaire...

L'US Air Force aimerait bien que cela cesse

Et pendant ce temps là, le "stop-work order" prononcé lors de la plainte en justice d'Hawker se poursuit et le client final, l'armée de l'Air afghane, attend toujours ses appareils. Et risque d'attendre encore plusieurs mois...

Récemment, un "fact sheet" édigé par l'USAF aurait circulé au sein du Congrès. Cette fiche d'information reprent les conclusions du Governement Accountability Office ou GAO saisit par Hawker dès novembre 2011 et explique les raisons du choix de SNC.

L'US Court of Federal Plaints doit se prononcer sur la validité du contrat le 6 mars 2012, faisant espérer les premières livraisons au mieux en avril 2013. Quand on sait à quel rythme la transition s'accélère en Afghanistan, il serait bien que les appareils n'arrivent pas trop tard.

Même que George Soros serait dans l'affaire!

Encore plus fort dans cette guérilla, est l'arrivée de George Soros, millionnaire et financier américain bien connu, souvent critiqué comme un spéculateur sans scrupule, et politiquement, plutôt pro-Obama et anti-Bush.

Un profil parfait pour bâtir une rumeur dont le Wall Street Journal s'est fait écho, mais qui a été démentie depuis. Soros aurait été, selon la rumeur, le grand gagnant. Or, si l'homme a bien investi 1 milliard de $ dans la compagnie pétrolière brésilienne Petrobras, pas un $ ne l'a été dans Embraer.

George Soros, un soutien d'Obama, un contexte de campagne présidentielle, des primaires républicaines dans certains États concernés par ce contrat : sans certitude, mais il y a tout de même de sacré raison de croire que le contexte politique aide à bâtir de drôles de filiations.

A suivre...

jeudi 2 février 2012

Rappel rapide à propos de l'expression "green on blue"


Cycliquement, il existe des expressions qu'il est absolument nécessaire d'employer pour paraître savant...

Depuis quelques mois, l'expression "green on blue" pour qualifier les tirs (mortelles ou non) des forces armées afghanes (police ou armée) sur des membres de la coalition internationale en Afghanistan fait fureur. 

Peu d'articles où elle n'est pas employée (surtout avec la re-découverte de ce rapport d'information disponible sur Internet depuis plusieurs mois mais qui tombe à propos du fait de cette dramatique actualité).


Or, la tactique militaire a ses codes, ses symboles et ses normes utiles pour avoir un panorama précis et complet de la situation.

Ainsi, le bleu est réservé aux forces amies. Par exemple, les systèmes de "blue-force tracking" sont des systèmes d'identification (es-tu de mon camp ?) permettant d'éviter (ou du moins, limiter) des tirs fratricides entre "amis".

A l’opposé, le rouge est la couleur des forces dites "hostiles".

Le vert est la couleur des forces "neutres".

Enfin, le jaune est employé pour des forces "inconnues" (non encore qualifiées et/ou reconnues).

Alors non, l'expression "green on blue" ne qualifie pas exclusivement l'action de forces armées afghanes sur des forces de l'OTAN (malgré la couleur bleue qui rappelle le fond du drapeau de l'OTAN).

C'est une expression générique plus globale, qui d'ailleurs exprime bien que les forces armées afghanes sont qualifiées de "neutres" et non d'amis...

Chroniques d'Afghanistan n°2 : vite vu, vite écrit...

Après une première série "vite vu, vite écrit" posté sur Storify, la seconde toujours très marquée Afghanistan.

- Au sujet de l'Afghanistan, manquerait-il un peu de pédagogie à la France ? France et USA même combat (ou même date de fin pour le combat). Et pourtant, ils ne se comprennent pas...

- Rappel rapide à propos de l'expression "green on blue" Un peu de pédagogie car lorsqu'une expression fait florès (ici à propos des tirs fratricides), encore faut-il en connaître l'origine.

Pour suivre Mars Attaque sur Storify, voici l'adresse du flux RSS : feed://storify.com/rss/Marsattaqueblog

mercredi 1 février 2012

Rafale en Inde : le champagne reste buvable après encore quelques mois au frais (+MAJ)


L'euphorie est lentement entrain de redescendre après l'annonce (importante) faite hier à propos du contrat Medium Multirole Combat Aircraft visant à équiper l'armée de l'Air indienne de 126 appareils. Pour éviter le travestissement des informations et annonces actuellement disponibles, une analyse fine et prudente est nécessaire.

La proposition commerciale de Dassault Aviation est donc annoncée comme moins chèreque celle de son concurrent dans cette finale à deux face au consortium Eurofighter GmbH (et non Eurocopter comme l'indiquait Le Monde, en plus de mettre en illustration une photo du Gripen de Saab, cf. les entrées d'air "carrées" et non arrondies).

Bien sûr, le seul critère "coûts" n'a pas été déterminant, mais il est intéressant de noter que c'est celui qui a été relevé, plus que les capacités opérationnelles de l'appareil omnirôle (c'est à dire sans reconfiguration importante selon les missions). Capacités dont la Libye a été le révélateur, bien que déjà visibles en Afghanistan (sauf pour l'aspect air-air).

Aujourd'hui, Dassault Aviation serait en possession d'une Letter of Intent (LoI) signée par le gouvernement indien. C'est un document contractuel non contraignant qui peut être cassé et qui peut, dans certains cas, ne pas conduire à la signature du contrat. L'engagement est donc avant tout symbolique et politique plus que financier.

Via ce 1er accord, Dassault et le Contract Negotiation Committee (CNC) indien (dans lequel sera présent l'entreprise Hindustan Aeronautics qui devrait, au moins, assembler les 108 appareils qui seraient produits en Inde) vont entrer en "négociations exclusives" (selon l'Elysée). Ces discussions normées par la LoI pourraient prendre 6 à 9 mois (selon V. Pécresse).

En gros, rien de définitif ne sera signé avant la fin de l'année fiscale indienne (mars 2011), et certainement, cela pourrait durer. Sans oublier les recours possibles d'Eurofighter qui, ayant pris acte, pourraient ralentir la procédure. (cf. les hélicos Fennec ou le retrofit des Mirages 2000 indiens dont Thalès ne semble pas encore avoir vu les 1ères roupies).

Une fois que le CNC et Dassault se sont mis d'accord sur le prix, le niveau de transferts de technologies (un peu de réalisme, aujourd'hui le débat n'est pas oui ou non, mais comment et à quel niveau...), la version du contrat doit encore être approuvée, au minium, par le ministère indien des Finances et le National Security Council.

Enfin, le contexte, en particulier géostratégique et géo-économique, de chaque contrat de ce type empêche sans doute de croire trop facilement à des effets mimétiques importants sur les autres négociations en cours pour l'appareil (Brésil, Emirats Arabes Unis, Qatar, Koweit, bruits de couloirs pour l'aéronavale britannique, etc.).

En effet, les blocages de ces contrats viennent-ils seulement du manque de 1er contrat export du Rafale?

Ne seraient-ce pas aussi le prix (sur le plan symbolique, le cas indien aidera)? De contexte stratégique local (pensons au Pakistan qui voit ces appareils se profiler en plus d'être pris en "tenaille" par un pacte stratégique afghano-indien...)? Aux conséquences organisationnelles qu'induisent un tel saut capacitaire pour de nombreuses forces aériennes? Etc.

Ainsi, une longue procédure ne fait que se poursuivre. Espérons qu'elle aille au bout, d'autant plus que la porte qui s'ouvrirait serait intéressante. L'appareil indigène en développement, leHAL Tejas, suffira-t'il pour les besoins futurs de l'Indian Air Force? En particulier pour ses ambitieux plans de défense conçus pour ne pas atteindre (Dieu soit loué) le seuil nucléaire?


Pas mal de questions donc, quelques réponses possibles aujourd'hui et surtout encore un peu de patience. Gardé au frais six à neuf mois, un bon champagne reste buvable à son débouchonnage...

MAJ1 : en plus des propositions américaines encore répétées pour caser leur F-35 (plausible pas pour ce contrat mais pour celui du coup d'après?), David Cameron a laissé entendre que des recours étaient possibles... De bonne guerre, dirons-nous.

MAJ2 : encore une fois, le débat va porter sur deux points interconnectés (l'un étant en partie la conséquence de l'autre) 1/ le retour en termes d'emplois en France d'un tel contrat (aujourd'hui le programme Rafale, c'est environ 6000 à 7000 emplois directs ou indirects) 2/ le niveau de transferts de technologies consenti (entre risques et nécessités).

Pour trois points de vue, c'est ici.