jeudi 15 décembre 2011

Survol de l’engagement de l’armée de l’Air française en Libye (partie 2)

Le Centre d'études stratégiques aérospatiales (CESA) organisait le 6 décembre un colloque intitulé « L’armée de l’Air à l’épreuve des opérations en Libye – retour d’expérience et perspectives ».

Après une 1ère partie sur des questions techniques et opérationnelles, voici la suite sur des questions plus stratégiques, toujours
par Adrien MONDANGE (titulaire d’un Master 2 « Stratégie, Défense et Sécurité » de Sciences Po Lille et d’un 3e cycle « Stratégie d’Intelligence Économique » de l’EGE).

Les dispositifs de l’OTAN et de l’UE ont été analysés à la lumière de cette opération. Isabelle François [1] estime notamment que désormais les interventions de l’OTAN seront déterminées par trois conditions très claires : une base légale solide (les Résolutions du Conseil de Sécurité dans ce cas précis), un soutien régional important (la Ligue Arabe ici), un besoin sur le terrain et une invitation à s’y rendre.

L’OTAN doit en plus tirer des leçons capacitaires, en termes d’ISR, de capacités de ravitaillement en vol, alors même que le contexte budgétaire est… complexe, lui aussi.

Concernant l’Union Européenne, celle-ci est très clairement restée en retrait, alors même que certains auraient pu attendre un déploiement des mesures prévues par la PSDC…

Comme le souligne le Colonel Eric Labourdette [2], l’UE a initialement fait preuve d’un manque de coordination. Ce n’est que progressivement que l’UE a agi de manière soudée et déterminée (activation du mécanisme de protection des civils ; embargo et gel des avoirs après le vote de la Résolution 1970), malgré un effacement devant l’OTAN. La seule option laissée à l’UE était alors la mise en œuvre d’une opération humanitaire (finalement annulée).

La crise est révélatrice des faiblesses de l’UE dans ses dimensions défense et sécurité, qui ont une dimension intergouvernementale. Dès l’abstention de l’Allemagne au vote de la Résolution 1973, il était prévisible que l’emploi de forces dans le cadre de la PSDC serait limité.
  • L’UE dispose des outils d’une approche globale mais ne s’en donne pas les moyens.
  • Manque de capacité de planification des opérations.
  • Le SEAE a beaucoup appris avec cette crise. La crise libyenne a obligé le service à se mobiliser, entraînant notamment la création d’une plateforme de crise dont le format sera pérennisé pour les crises à venir.
  • L’UE avait un rôle à jouer au début de la crise, et a un rôle à jouer après la crise. L’UE n’a pas renoncé à utiliser les outils de la PSDC.
  • L’AED reste en première ligne sur les questions de mutualisation et de partage. Parmi les projets cités figurent le ravitaillement en vol, la formation des pilotes, l’ISR et les satellites de communication.
La conclusion du colloque ouvre donc la voie à des améliorations, matérielles, et à l’aveu de certaines faiblesses. Toutefois l’ensemble du colloque s’est déroulé sous le signe de l’optimisme et les aspects positifs ont été bien plus évoqués que les points bloquants.

Comme le souligne Joël Martel dès l’ouverture du colloque, les faiblesses sont connues (l’armée de l'Air française dispose des avions ravitailleurs les plus vieux du monde, mais des solutions – techniques et faisant appel aux alliés – ont pu être trouvées). Sans un apport évident et massif des Etats-Unis, rien n’aurait été possible.

Par ailleurs, tout le spectre des effets possibles (allant jusqu’à la létalité) n’est pas disponible pour les armements. Si l'armée de l'Air a démontré un « bon niveau de compétence », il subsiste encore des marges de manœuvre en terme de réactivité par exemple. L’entraînement doit être mené en fonction d’un contexte incertain à venir ; la maîtrise du temps restant un facteur d'importance avec une appréhension à la fois des temps courts (de départ sur zone par exemple) et des temps longs (d’installation sur la zone).

Enfin, le général de corps aérien Antoine Noguier, commandant le CDAOA, réaffirme l’importance de disposer de meilleures connaissances du contexte politique, historique et sociologique [3] avant le début des opérations. Par ailleurs il est nécessaire de conserver une large palette d’options dans la chaîne de contrôle. Des réflexions sont à mener sur le rôle de l’information et la prise de décision consécutive à une information abondante, à repositionner également dans la chaîne de commandement.

[1] Distinguished visiting research fellow, Center for transatlantic security studies, National Defense University,, Washington D.C
[2] Représentation militaire française auprès de l’UE
[3] Ces éléments ont été analysés en guise d’introduction par Monsieur Patrick Haimzadeh, qui a été en poste diplomatique en Libye plusieurs années durant.

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