mercredi 31 août 2011

Dis moi ce que tu lis, je te dirais qui tu es : les lectures conseillées du général Dempsey

Le chef d'Etat-major de l'US Army, le général Martin Dempsey, a publié récemment la liste d'ouvrages professionnels à destination des membres civils et militaires de l'US Army. Sans doute moins scrutée que le montant de l'ardoise a absorber par le ministère de la Défense dans le cadre des annulations de crédits, cette liste mérite que l'on s'y attarde.

Pour faire un bon militaire américain, il faut lire d'un peu de tout

Elle est organisée en trois parties : "Histoire et héritage" (12 ouvrages), "Leadership" (7 ouvrages) et "Analyse critique et contexte global" (7 ouvrages). Des ouvrages faisant appel à l'histoire, la sociologie des organisations et de l'innovation, le management sont conseillées. Une belle vision diversifiée pour multiplier les apports intellectuels.

La rumination de l'Histoire est en bonne place. Des Thermopyles à l'Irak en passant par les guerres indiennes, la guerre de Sécession, la guerre contre les Boers, la Seconde guerre mondiale, la guerre de Corée et du Vietnam ou la guerre d'Afghanistan, l'étude de nombreux cas historiques est prescrit.

Parmi les auteurs classiques, Sun Tsu et Clausewitz (en 1ère position dans la partie "analyse critique et contexte global") y figurent. Par contre pas de Jomini que l'on dit pourtant plus lu aux Etats-Unis qu'en Europe. Peut-être est-il si lu automatiquement, qu'il n'est pas nécessaire de le mentionner?
Deux ouvrages de Thomas Friedman, auteur, chroniqueur et journaliste à succès, sont conseillés pour une vision de la mondialisation très en vogue actuellement à Washington : un juste niveau de libre-échangisme, un peu mais pas trop d'organisations internationales, une nécessaire, modernisation du monde arabe, etc.

Les principaux thèmes qui semblent être abordées sont : les valeurs militaires, la notion de héros, les opérations de guérilla et de contre guérilla, l'importance de la culture et le poids de l'héritage, le processus de construction d'une Nation, la place de l'Asie et de l'Océan indien dans le monde de demain (un vrai basculement pour les Etats-Unis), etc.

Dis mois ce que tu ne lis plus ou ne lis pas, je te dirais ce que tu es devenu ou ce que tu ne deviendra pas...

La dernière liste remontait à 2002. On y trouvait alors, entre autres, du John Keegan, plus de lectures sur la Seconde Guerre mondiale (guerre totale très conventionnelle), du Bruce Berkowitz (la guerre infocentrée, en réseaux, etc.), du Martin Van Creveld sur la logistique, et Samuel Huntington sur les relations civilo-militaires et sur le choc des civilisations.

Ainsi, et sans essentialiser, l'armée de Terre américaine semble bien avoir évolué en 9 années d'opérations et de réflexions. Ces lectures conseillées en sont un des indices. Toujours, et comme le remarquait JGP, aucun auteur français. En auriez-vous, chers lecteurs, à proposer? Un top 3 des lectures indispensables?

Pour info, les lectures obligatoires pour le concours de l'Ecole de Guerre était il y a peu Trois siècle d'obéissance militaire, 1650-1958 par le Maréchal Juin, La guerre et la paix : approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie par Charles-Philippe David (illisible) et La chair et l'acier, l'invention de la guerre moderne : 1914-1918 par le colonel Michel Goya.

vendredi 26 août 2011

Des nouveaux : Le Signaleur et Ishrâq Blog

Si l'on en croit les dernières tendances, la période estivale serait donc très propice à l'émergence de nouveaux blogs (cf. un premier billet cet été). Les vacances permettent d'avoir du temps à consacrer à cette activité extrêmement chronophage. D'où quelques nouveaux blogs à signaler (en appui à la longue liste compilée par EGEA dans un récent billet).

Si il n'en fallait retenir qu'un, cela serait Ishrâq Blog. Peu de régions du globle n'autorisent aussi peu l'à peu près que Le Moyen-Orient. D'où la lecture utile de ce blog tenu par Pierre FERMIGIER, étudiant à l'IEP de Lyon et actuellement pour une année à Beyrouth. Le rôle trouble de l'Arabie Saoudite en Syrie, le rapport entre démographie iranienne et relations population/gouvernement ou encore la teneur de la nouvelle diplomatie turque s'éclaireront.

Non relevée par EGEA, le blog Le Signaleur mérite aussi toute votre attention et votre soutien. Avec des thématiques plus militaires, c'est un carnet coup de coeur/coup de gueule sur différentes problématiques et actualités. On notera déjà l'étude historique d'un général français (Montcalm) surpris donc vaincu (en plus d'avoir eu tort) au Québec ou la présentation (récompensée par le principal intéressé) du baroudeur-journaliste Michael Yon.

Bonne route à eux!

jeudi 25 août 2011

Pas très "fair" : ça chambre Dassault chez EADS... (+MAJ de fin d'incident)

Les relations entre les deux groupes industriels de Défense EADS et Dassault sont loin d'être totalement amicales. Pour preuve la récente (et relative) escarmouche informationnelle à propos des relations, pas forcément enviables, de Dassault avec Kadfahi. Relations que ne manquent pas de relever EADS.

Lorsqu'un journaliste spécialisé Défense/Aéronautique de l'hebdomadaire Challenges rappelle sur son compte Twitter (@VincentLamigeon) des mauvais souvenirs pas si anciens pour Dassault, le compte corporate et com'externe d'EADS se fait un main plaisir à le retweeter (c'est à dire le reprendre).

Un journaliste de Challenges avait en effet présenté une photo datant de 2009 publiée sur le site des Observateurs de France 24 ("les journalistes citoyens"). Elle présentait une affiche avec le logo officiel de Dassault qui souhaitait un bon anniversaire à Kadhafi. Avec ironie, le journaliste voulait avoir un poster de cette pièce désormais historique.

En le reprenant sur un compte officiel, EADS est sans doute bien conscient de ce qu'il fait : c'est à dire rappeler des "liaisons dangereuses" à un de ses concurrents. En effet, aujourd'hui, il est de mauvais ton d'avoir fait des affaires avec celui qui est devenu l'ennemi public numéro 1 en Libye et donc la tête est mise à prix à 1,7 millions de $.
L'opération à plusieurs bandes est évidemment possible. Mais force est de constater que le récent contrat du ministère de la Défense pour des drones Dassault (le journaliste n'en étant pas un fervent défenseur cf. lien) plutôt qu'EADS passe apparemment mal. Surtout quand EADS rappelle deux tweets avant que son drone Harfang vient d'effectuer un premier vol en Libye...

Rien de stratégique apparemment comme action, mais bonne ambiance!

MAJ1 : le retweet en question a été retiré du compte Twitter @EADSpress (cf. image). Sans aucun doute une louable volonté de revenir à des relations plus saines suite à cette action sans doute non concertée. D'autant plus que EADS détient environ 46% du capital de Dassault. Incident clôt, avec des conséquences espérons-le limitées.

Les relatives nouveautés en Libye (+MAJ)

Rapide contribution pour analyser la situation en Libye, avec j'espère un peu plus de remarques fondées que de lapalissades, et quelques apports par rapport à ici ou ici.

Les modèles systématiques sont dangereux, mais celui-çi a tout de même bien fonctionné

Comme dans d'autres cas historiques, le trio arme aérienne (pour le choc) + troupes locales (pour l'occupation au sol) + forces spéciales (pour le liant entre les éléments) est venu à bout méthodiquement et patiemment de l'armée exsangue, mais non démunie de capacités, de Kadhafi.

Les forces aériennes (hélicoptères d'attaque et avions de combat) ont à la fois assuré la gestion du quotidien en intervenant au plus près des zones de combats (donc sans doute guidées) tout en préparant le coup d'après en grignotant les capacités défensives et de contre-offensive de l'armée libyenne.

Il ne faudra ni sous-estimer ni sur-estimer le rôle de la Marine dans un contexte particulier qui est celui du combat en zones littorales. Combat non réalisable partout. Même si, il semble avoir permis de mener, entre autres, une opération sommaire de débarquement depuis Misrata pour contourner Tripoli.

Si aujourd'hui, la présence de sociétés militaires privées est anecdotique, leur arrivée est imminente. L'articulation entre ces SMP et les formateurs, sans doute dépêchés dans le cadre d'une future mission de formation de police (au minimum sous mandat ONU), est dès aujourd'hui à envisager.
Al-Jazeera : quelqu'un, quelque part, le 29 mai 2011
D'ailleurs, le retour d’expérience que certaines armées pourront tirer de ces opérations combinées à propos de la formation de forces supplétives étrangères en quelques mois étant là encore notables : entre qualité et quantité, origine des formateurs, entraînement sommaire ou accompagnement au combat, etc.

Finalement, qu'il y ait des forces spéciales françaises, britanniques ou du San-Marin qu'importe. Leur action sera cachée le longtemps plus possible puis niée le plus longtemps possible avant d'apparaître en partie au grand jour dans les livres d'Histoire. N'oublions pas, ce silence sur leur action réelle est leur raison d'être ontologique.

MAJ2 : pour de saines clarifications à ce sujet : Une trentaine d'hommes du COS opèrent en Libye

Quand les coalitions ad hoc à la fois dépassent et s'appuient sur celles qui existent déjà

L'OTAN a joué le rôle de réservoir de capacités, entre autres pour combler certains manques (pour certains, les mêmes depuis au moins 1991...) avant d'être l'impulseur politique. Alliance militaire à la base, c'est dans ce rôle (et uniquement dans celui-çi semble-t-il) qu'elle est la plus efficace et qu'elle a servi. Egea apportera son point de vue sous peu, j'imagine...

La défense européenne? Quelle défense européenne? Peut être montrera-t-elle sa plus-value dans un deuxième temps? Les analyses vont sans doute pleuvoir, toutes non complétement infondées, sur le manque de structure permanente de commandement, le frein à main allemand, le bimoteur franco-britannique, le bashing de "l'ashtonisation" de sa diplomatie, etc.

Les États-Unis étaient-ils en retrait pour cause de non-intérêt stratégique? Il y a eu tout de même une volée initiale de Tomahawk et un soutien constant en capacités ISR. Néanmoins, ils n'ont pas (plus?) besoin d'être en tête pour initier le changement et peuvent continuer à regarder vers l'Est, d'autres s'expriment (plus ou moins avec leur approbation) à leur Ouest...

Cette intervention est pleinement inscrite (pour une fois, c'est donc à soulever) dans les objectifs de rang 1 définis par le Livre Blanc de 2008 ainsi que dans les scénarios possibles d'intervention. Après, peut-être que le modèle est à revoir, mais force de constater qu'il a été respecté.

Si les objectifs initiaux semblent assez clairs, ceux de la phase 2 sont pour le moment plus obscurs. Avant de crier à l'absence de stratégie (la critique trop facile souvent entendue), il faudra attendre de savoir si cette obscurité est causée par leur absence ou juste par leur prudent non-dévoilement.

Depuis la prise de Bal Al Azizia beaucoup de "derniers bastions" sont tombées, et beaucoup sans doute restent encore à faire tomber...
Le futur : 5ème colonne pro-Gaddafi, heure dorée et pessimisme

Si Paul Bremer, ancien fameux "non-administrateur" de l'Irak à partir de mai 2003, continue à délivrer son avis sur la CNN encore hier soir, gageons que ces précieux conseils, sans doute issus de son expérience personnelle irakienne, ne seront pas suivis à la lettre. L'histoire sera-t-elle un éternel recommencement?

MAJ1: En particulier au Sud, le long de la frontière tunisienne et autour de Syrte, des troupes pro Gaddafi résistent. Ailleurs, des anciens fidèles au régime se sont évaporées dans la nature. Oui vraiment, la journaliste de France 24 avait raison de m'interroger sur le désarmement de ce qui pourrait bientôt s'apparenter à plus qu'un simple mythe de 5ème colonne.

Avant les premières désillusions et les premières tuiles qui arriveront bien un jour (cf. les gueules de bois en Égypte ou ailleurs), un laps de temps relativement court permet de maximiser la mise en place de projets et de structures en s'appuyant sur l'élan initial d'énergies de type "révolutionnaire". Cette heure dorée tourne déjà.

A suivre...

lundi 22 août 2011

La France aurait-elle un problème marketing en Libye?

Catégorie : pensées partielles et vites écrites voire non-totalement fondées...

Actuellement en Libye, autant d'hélicoptères britanniques d'attaque Apache (4) que d'hélicoptère français Tigre (3, semble-t-il) opèrent. L'armée de l'Air française dispose de plus d'appareils que la RAF pour quotidiennement mener des opérations de combat. Nos forces spéciales, avec d'autres, conseillent, encadrent et accompagnent les unités du CNT.

A la différence des Britanniques, si nous sommes autant capables de faire, nous sommes apparemment moins capables de faire connaître et reconnaître cette action.

Des membres du CNT (Conseil National de Transition) aux journalistes envoyés spéciaux sur place, tout le monde connaît les Apache pour leur action dans la dernière ligne droite vers Tripoli, parle de l'action des moyens de surveillance américains en drones (c'est un comble quand on connaît leur relatif engagement depuis le mois de mars...), etc.

Ainsi, point d'évocation du Tigre, peu de reprise dans les médias anglophones de l'action aérienne française (serait-ce seulement de "bonne guerre"?), sur-représentation de l'action militaire américaine, etc.

Guerre en Libye et oéprations combinées : AK-47 + Toyota + troupes locales au sol + Douchka + hélicoptères + avions de chasse + drones + forces spéciales
Alors ces Tigre, sont-ils absents de cette zone d'opérations sous les feux des projecteurs car la France est en charge du front de Brega/Benghazi plus à l'Est? Existe-t-il un problème marketing avec le nom de Tigre/Tiger qui n'est pas discriminant dans les moteurs de recherche, les revues de presse, etc.? Sommes-nous incapables de à la fois faire et faire connaître?

Il serait ballot de ne pas profiter de la vague de sympathie partiellement visible (drapeaux français dans les rues des villes libérées, messages de sympathie écrits sur des pancartes, etc.) créée par la juste reconnaissance de notre action. Au moins, tout ceci pourrait servir à quelque chose : à "nos intérêts" par exemple...

Cette reconnaissance à obtenir est un véritable axe de communication, non d'une communication purement opérationnelle, mais d'une communication réellement stratégique. Celle qui prépare le coup d'après auprès du plus grand nombre et non la bataille en cours à terminer. Sans doute, est-elle en marche! Gageons seulement que bientôt elle porte de ses fruits.

PS : Ces réflexions viennent sans aucun doute d'un prisme déformant médiatique causé par une sur-représentation des médias anglophones (par rapport aux médias francophones) et d'une bonne communication des armées britanniques...

jeudi 18 août 2011

Lecture - D’Al-Qaida à la PAC en passant par la Côte d’Ivoire, l’Iran et l’Afghanistan

Le dernier numéro (2:2011) de Politique Étrangère (la revue « haut-de-gamme » de l’IFRI dotée de son blog) contient quelques très bonnes pages de saine lecture : un solide dossier sur Al-Qaida et la guerre contre le terrorisme, et des varias qui pour certains se révèlent particulièrement intéressants.

Revenant sur le bilan de 10 années de guerre contre Al-Qaida, Marc Hecker, qui a dirigé le dossier central, annonce d’emblée un score paradoxal de parité : un échec des deux parties à parvenir à leurs objectifs (sans doute trop inatteignables) mais une défaite totale pour aucun des deux car des succès certains ont été obtenus et des questions sur l’avenir de cette opposition restent en suspens.

Le premier article écrit par Gilles Andréani tente de présenter un bilan complet en s’intéressant aux différents pans de cette opposition voulue, au moins à l’origine, comme une lutte à mort. Si grâce aux efforts démesurés, il est possible de s’enorgueillir de la défaite d’Al-Qaida « central » (l’article suivant sera plus mesuré), il ne faut pas sous-estimer les coûts économiques, politiques, moraux, etc. à long terme dont on ne devine qu’à peine l’étendue.

L’article de Guido Steinberg dresse un passionnant tableau d’Al-Qaida en 2011 : de sa défaite politique face aux révolutions arabes (personnellement, j’attendrais avant d’être aussi affirmatif…) à ses capacités de résurrection régionale (Irak, Maghreb, péninsule arabique). Un article particulièrement clair pour découvrir les métastases qui aujourd’hui (comme d’autres hier) font « l’actualité » et préoccupent bien du monde.

Je passe sur le suivant, c’est du Chaliand : guérilla, terrorisme, guerre révolutionnaire, propagande par l’acte, etc. Le suivant, d’Andrew Exum, plus connu sous son nom de guerre inter-blogs Abu Muqawama, revient sur le cas afghan et les raisons qui font que l’avantage ne semble vraiment appartenir à aucun des camps. De l’aillé indocile pakistanais au gouvernement afghan, clé du succès et de l’échec, tout y passe.

L’article d’Hew Strachan, professeur d’Histoire à Oxfortd, est à lire car il tente de répondre à la question centrale : les armées européennes ne peuvent-elles mener que des guerres limitées ? Dans le contexte actuel (et pour quelques années, sauf si…), y répondre semble primordial. Appelant à la rescousse Clausewitz ou Corbett, dissèquant « guerre de choix » et « guerre de nécessité », l’auteur ouvre plus de pistes de réflexion qu’il n’en clôt.

Dans le reste de la revue, on relèvera :
  • l’article sur l’opposition plus ou moins soft entre le Nigéria et l’Afrique du Sud via leur investissement respectif (et concurrent) dans la crise ivoirienne. ;
  • la présentation précise de la FINUL « renforcée » post 2006 (la France y déploie tout de même plus de 1.000 hommes à une portée de cailloux de la Syrie) ;
  • la dissection de la réaction allemande (et de son abstention à l’ONU) face à la crise libyenne.
Et enfin, et juste pour le plaisir, on lira les présentations des ouvrages sur les questions de déradicalisation, des échecs du renseignement à cerner la nature de différents régimes ou sur une descente dans la place d’Internet en Iran.

PS : Merci à Marc Hecker de m’avoir transmis cette revue dans laquelle beaucoup trouveront à se sustenter intellectuellement.

mercredi 17 août 2011

Guerre des mots et des images des deux côtés du détroit de Taïwan

Les salons internationaux d’armement ou les étapes majeures de développement d’un programme phare sont les moments privilégiés d’épanouissement des campagnes de communication. Millimétrée au mot près et au pixel près, les plans de com’ ne laissent généralement pas grande chose au hasard. C’est encore une fois le cas sur les deux rives du détroit de Taïwan.

L’ancien porte-avion soviétique Varyag a reçu officiellement son « nom de guerre » chinois de Shi lang lors de sa première sortie en mer aux couleurs de la People’s Liberation Army Navy(PLAN). Shi Lang (1621-1696) est le nom d’un amiral qui du temps de la dynastie Qing commanda la flotte de débarquement mandchoue qui s’empara de l’île de Formose (l’actuelle Taiwan) en 1683. Ni allusion mal dissimulée, ni prophétie auto-réalisatrice en vue avec un tel nom…
Lors du récent Taipei Aerospace and Defence Technology Exhibition (TADTE), la très étatique Chung-Shan Institue of Science and Technology a annoncé développer une nouvelle version de son missile Hsiung Feng III. Pour ceux qui ne comprendraient le « pourquoi du parce que », une illustration très explicite d’un porte-avions en flammes ornait le stand. Équipant aujourd’hui les frégates de classe Perry, ce missile devrait pouvoir être tiré à terme depuis des lanceurs mobiles, jugés moins vulnérables aux premières salves de frappes.

Dernière information récente, les États-Unis auraient refusé de livrer à Taïwan 66 exemplaires de la dernière version des chasseurs F-16 (les F-16 C/D). Une simple mise à niveau des F-16 A/B serait proposée. Ce refus n’est pas encore confirmé par aucune des deux parties. Rappelons simplement que la décision définitive est attendue pour le 1er octobre 2011, ce qui coïncide avec la date de la fête nationale chinoise, telle que proclamée par Mao en 1949 pour se souvenir de son arrivée au pouvoir. Bonne fête aux Chinois de la part de Taïwan…

Difficile alors de parler de détente quand les mots et les images se livrent bataille…

mardi 16 août 2011

Best-of de la semaine n°26

1. "Bonn Conference a Failure without Taliban Presence" via

2. Neil Amstrong, Jeanne d’Arc ou Jules César, qu’auraient pu twitter ces personnages historiques si Twitter avait existé? http://tiny.cc/ryua3

3. RT Photo sympa dans "Le Soleil" twitpic.com/63ks8r

4. Fake Twitter accounts used to promote tar sands pipeline via (via )

5. Réaction, contre-réaction, contre-contre-réaction : Pékin a dénombré 500.000 cyber-attaques sur son territoire

6. L'emploi du canon à eau est le signe d'un niveau de violence différant selon les pays d'Europe

7. Ce n'est pas en France que cela arriverait hors IHEDN - Marine Corps Executive Forum creates ambassadors to the http://tiny.cc/qtddu

8. Communication agressive et explicite: Taiwan sends not-so-subtle signal on China’s carrier

9. Via @ Le Figaro a annoncé le décès d'un militaire... toujours en vie ! Faut pas confier le journal à des stagiaires !

10. Real Black Hakw Down : Remains of Crashed US Helicopter Still Lie in Mogadishu via

Dans ces best-of, il y en a pour tous les goûts : du mili, du moins mili, sur le poids des images ou des mots, sur l'Asie, l'Afrique et ailleurs, des débats de société, du sérieux et parfois du un peu moins sérieux, etc. Auriez-vous des demandes (ou des avis) pour que je fasse remonter plutôt tel ou tel genre d'informations?

jeudi 11 août 2011

Entretien - La politique étrangère dans la campagne présidentielle américaine

Edouard Chanot a bien voulu répondre depuis les Etats-Unis aux questions que je lui ai posées sur la place des affaires internationales dans le débat politique américain. Rédacteur en chef du webzine Le Bulletin d'Amérique, c'est un observateur attentif de la vie américaine qu'il tente de décrypter loin des clichés fréquemment lus, vus ou entendus.

MA - Dans un an, Barack Obama remettra en jeu son mandat. Quel bilan peut-on tirer de sa politique étrangère ?

EC - Pour comprendre la politique américaine, il est nécessaire de sortir d'un bipartisme trompeur, entre Démocrates et Républicains. La réalité est bien moins binaire. Pour comprendre la politique de Barack Obama, il faut connaître son parcours. Disons qu’il a une certaine idée de l’Amérique. Il est issu de la frange la plus progressiste du parti démocrate – il a été un « community organizer ». C’est un terme difficile à traduire, disons qu’il a été un militant communautaire, de ceux qui travaillent au cœur de la misère et qui, presqu’instinctivement, se sentent toujours impuissants face à elle.

En conséquence, il semblerait qu’il ait développé une pensée en système : le renforcement de l’Etat-providence n’est envisageable que si les Etats-Unis diminuent leur présence – ou leurs incursions – à l’étranger. Ce qui implique évidemment des coupes sèches dans le budget de la défense ou un retrait vis-à-vis d’Israël. Cette perspective est renforcée par une appréhension multiculturelle du monde et, de proche en proche, multilatérale. Le discours du Caire a dévoilé sa vision des affaires internationales, son retrait face au Printemps arabe aussi. En conséquence, il existe sans doute une « doctrine Obama » – certains pensaient qu’il en était dépourvu, sa politique étant avant tout jugée « naïve ». A mon sens, on comprend mieux sa politique étrangère à travers sa politique domestique. L’une comme l’autre peuvent être jugées assez idéalistes.
MA - Obama est-il donc l’anti-Bush… ?

EC - En fait, les Etats-Unis donnent souvent l’impression que la modération leur est étrangère. A l’interventionnisme de George W. Bush a succédé un multilatéralisme onusien. Mais cette absence de modération est typique de leur régime : le bipartisme, le « revolving door[1] », etc. incitent à des revirements quelquefois brutaux, bien que la réalité politique amène à tempérer les intentions – la « nouvelle science politique » que les Pères Fondateurs invoquaient pour apaiser la gouvernance de la Cité est loin d’être totalement défaillante. Cela n’interdit pas les interrogations quant à la prudence de l’administration Bush, bien sûr. Et on peut tout autant le faire devant la politique de Barack Obama : le multilatéralisme tient-il compte de la réalité des relations internationales, où l’unilatéralisme et la force se présentent bien souvent comme des nécessités ?

MA - Quelle place les candidats à la présidentielle de 2012 accordent-ils à la politique étrangère ?

EC - Il est fort probable qu’aucun concurrent démocrate ne se présente contre Obama. Côté républicain, les candidats à la primaire partagent une ligne beaucoup plus isolationniste que par le passé. Bien entendu, le candidat libertarien et texan Ron Paul – héritier de Taft, l’opposant à l’engagement des Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale – est le plus radical : il se prononce pour le retrait de l’ensemble des troupes américaines à l’étranger. Mais ses chances sont minimes. Il ne rassemble pour l’instant que 10% des intentions de vote. En fait, il est concurrencé par Michelle Bachmann (16%), représentante du Minnesota et égérie du mouvement Tea Party qui, elle, talonne Mitt Romney. Celui-ci est pour l’instant le candidat le mieux placé (22%). Son discours n’est pas si interventionniste. La lassitude de l’électorat l’explique évidemment. Tim Pawlenty, l’ancien gouverneur du Minnesota, l’est beaucoup plus. Il a prononcé un discours au Council on Foreign Relations particulièrement musclé. Il est le candidat le plus critique de la politique étrangère de Barack Obama... mais n’atteint que 3% des intentions de vote.

Une remarque concernant le mouvement Tea Party. Il ne faut pas surestimer son influence – selon certains sondages, il ne représenterait qu’un tiers de l’électorat républicain, ce qui laisse une marge de manœuvre aux autres tendances conservatrices. Il est certain que son idéologie, avant tout fiscale, conduit les candidats à manier avec prudence tout interventionnisme de l’Etat fédéral. L’épisode douloureux du relèvement du plafond de la dette peut être imputé au mouvement. Mais ce bras de fer avec l’administration Obama a aussi rappelé que le mouvement Tea Party était avant tout constitutionnaliste. Or, la Constitution accorde bien à l’Etat fédéral la direction de la politique étrangère, comme Le Fédéraliste l’avait envisagé en 1787, face aux « dangers de la force et de l’influence étrangères » (John Jay, The Federalist Papers Number 2) alors que les puissances européennes cherchaient à profiter des faiblesses d’une Amérique devenue tout juste indépendante.

MA - On a souvent évoqué le rôle des Néoconservateurs dans la politique étrangère américaine. Qu’en est-il maintenant ?

EC - Leur rôle a souvent été exagéré. L’étiquette néoconservatrice a été banalisée, apposée à toutes sortes de personnes ou de politiques, par réflexe rhétorique trop facile. Aujourd’hui, ils se font plus discrets, pour plusieurs raisons. L’actualité est naturellement la première, du fait de l’impopularité des conflits afghan et irakien. L’establishment républicain tente de se démarquer d’un certain interventionnisme.

La meilleure analyse du Néoconservatisme a été publiée par un Français, Justin Vaïsse. Il est nécessaire de rappeler que ce mouvement, avant tout intellectuel, est né durant la guerre froide, initié par Irving Kristol, Daniel Bell ou encore Nathan Glazer. Ils étaient sociologues ou journalistes, provenant de l’extrême gauche anti-staliniste, bien plus intéressés par les questions de politique domestique – la réforme de l’Etat providence et la remise en cause de la contre-culture. Certains d’entre eux récusèrent le label « Néoconservateur ».

Ce n’est qu’à partir de la génération suivante que les Néoconservateurs se sont réellement penchés sur la politique étrangère, alors qu’ils entouraient le Sénateur Henry « Scoop » Jackson. Aujourd’hui, ils sont une école davantage reconnue. L’idée que la puissance américaine peut-être utilisée pour le bien – Robert Kagan titrait un des ses articles « L’Empire bienveillant » – ou la notion de changement de régime est partagée par de nombreux intellectuels, universitaires ou politiques. Par exemple, les Néocons’ écrivaient dans leurs propres revues (The National Interest ou Commentary Magazine, notamment) et appartenaient à leurs propres think tanks (l’American Enterprise Institute). Désormais, ils écrivent dans Foreign Affairs, la revue de référence en politique étrangère, et peuvent travailler pour la Brookings Institution ou les universités les plus réputées. D’une certaine manière, ils se fondent dans le décor et sont ainsi moins remarqués. Le Néoconservatisme fait davantage partie de la réalité institutionnelle américaine. Et on aurait tort de croire en leur disparition après l’intervention en Irak.
MA - Donc, pourrait-on envisager un recul des Etats-Unis sur la scène internationale à court et moyen terme ?

EC - Les capacités d’un Gouvernement sont par essence limitées. Si la nécessité contraint avant tout à des préoccupations domestiques, nous assisterons très certainement à une contraction de la volonté américaine à court terme. Pour le moyen et long terme, il est naturellement plus difficile de prédire leur avenir: leur présence – disons plutôt leur degré de présence – dépendra de leur capacité à surmonter leur crise interne, qui est à la fois politique, culturelle et économique. Mais, en fait, il me semble que cette question est avant tout celle du progressisme américain, celui incarné par Barack Obama : jusqu’où parviendra t-il à refaçonner le régime de ce pays ?

[1] A chaque changement de Présidence, près de 3.000 hauts fonctionnaires entrent dans l’administration. Il n’existe pas de haute fonction publique statutaire aux Etats-Unis.

mardi 9 août 2011

Nous n'assisterons pas à un remix de la Chute du faucon noir!

Il ne s'agit pas de tirer de conclusions hâtives suite au crash samedi en Afghanistan de l'hélicoptère lourd de transport CH-47 Chinook. Non, la mort de ses 38 occupants n'entraîne pas une pression supplémentaire sur le retrait de la coalition. Non, elle ne devrait pas accélérer plus que de mesure son départ. Quelques remarques en passant.


Une retraite dans l'ordre et la discipline

La situation actuelle n'est pas le remix de la bataille d’octobre 1993 à Mogadiscio qui aurait conduit Bill Clinton à annoncer deux jours après un départ précipité du contingent américain de Somalie. Départ quasi terminé cinq mois après. Si quelques similitudes existent (hélicoptères abattus, mort tragique d'un nombre important de forces spéciales, etc.), cela s'arrête là.

En Afghanistan, un calendrier extrêmement précis de départ est fixé. Nous pouvons faire confiance aux Américains, les rois de la planification (parfois à outrance), pour avoir des plans mis à jour régulièrement pour un désengagement progressif et coordonné des différents districts afghans. Il évoluera sans doute à la marge mais sans annonce fracassante.

Ce départ est acté et annoncé. Si un certain optimisme demeurait il y a encore un an quant aux chances de renverser la situation, la logique des dirigeants politiques (en premier lieu Américains) est aujourd'hui différente. Ce n'est pas le crash d'un hélicoptère, aussi dramatique soit-il, qui ajoutera sur eux de "la pression".

Le grand déménagement du retour

En particulier lors de l'injection de troupes supplémentaires, les débats concernant la logistique en Afghanistan fleurissaient. Si le premier défi est celui du dernier mile où la logistique doit faire face aux embuscades et aux contraintes géographiques, le deuxième est celui d'arriver jusque là ou dans notre cas d'en partir.

Il peut sembler logique que les voies d'acheminement dans un sens soient presque aussi bouchées dans l'autre sens dès lors qu'il y a une inversion importante des flux. Les goulots d'étranglement seront donc sensiblement les mêmes : cols à la frontière pakistanaise, pas d'accès à la mer, peu d'itinéraires bis, obligation d'emprunter la voie aérienne, énormes stocks à rapatrier, etc.

Ainsi, le casse-tête logistique devrait perdurer et ce n'est pas le crash d'un hélicoptère qui devrait entraîner une facilitation de ce mouvement dès lors que les capacités ne le permettent pas. "L’accélération" du retrait ne semble donc ni forcément à l'ordre du jour, ni forcément possible à l'heure actuelle. Cf. le cas irakien.

Arme secrète et opération de grand art : à qui profite le crime ?

Il semble fort peu probable que cette unité précise, la Seal Team 6, ait été visée par cette opération. Cet hélicoptère s’apparentait plus à une cible d’opportunité et n’aurait pas été désigné à l’avance parce qu’il transportait des Navy Seals dont l’unité était impliqué dans le raid contre Osama ben Laden. Contrairement à ce qui est parfois dit.

En effet, cette unité intervenait en réaction alors que des Rangers étaient pris à partie. Il semble peu probable que l’ennemi ait été mis au courant de sa composition. De raids similaires se déroulent par dizaines chaque nuit. Malgré la compromission toujours possible de locaux, le montage d’une telle opération semble extrêmement complexe (cf. l'analyse mesurée de Joshua Foust).

Ce n’est pas sous-estimer l’adversaire que de le dire, tout comme, le fait d’attendre une confirmation sur l’existence ou non d’une charge explosive propulsée et modifiée pour abattre l’hélicoptère. Ce dernier, extrêmement massif, est une cible qui peut être détruite « par chance » par des RPG classiques (en particulier si un des deux rotors est touchée).

Cette histoire sert d’ailleurs les intérêts des uns et des autres. Les Taliban peuvent s’enorgueillir d’avoir mis au point une arme efficace. La coalition peut alors relativiser et justifier les pertes. Elles sont potentiellement causées par des « experts extérieurs » épaulant les Taliban donc la présence en Afghanistan est pleinement justifiée.

La bête de somme qu'il ne faudrait pas perdre

Par contre, si tel est le cas, cela marquerait une rupture qui ne serait pas sans conséquence... Depuis le temps que l'on en parle d'une possible perte de supériorité aérienne en Afghanistan (au moins dans le domaine du transport par hélicoptères)... Voyez plutôt l'importance de son emploi (dans ce cas, par les militaires français) dans un tel contexte opérationnel.

dimanche 7 août 2011

Best-of de la semaine n°25

1. Via @ Army general cleared of allegations that he used psy-ops team to influence senators

mercredi 3 août 2011

De la mer à l'espace : les nouveautés de l'été

Ils ont la très grande gentillesse de me mettre dans leurs favoris et surtout ils traitent de problématiques extrêmement intéressantes : ces nouveaux blogs méritent donc amplement de rejoindre votre liste de favoris!

L'allié EGEA l'a présenté et il nous a fait l'honneur de rédiger un article pour AGS sur la fin de l'exploitation opérationnelle de la navette Atlantis : j'ai nommé Guilhem Penent et le blog "De la Terre à la Lune". Avec le traitement de cette thématique aérospatiale, encore un vide de comblé. Merci et bonne continuation avec le Space Launch System, Charles Bolden, le Soyouz guyanais, la vente possible de Pratt & Whitney Rocketdyne et d'autres joyeusetés!

Ensuite, un groupe informel de réflexion (avec des anciens et peut-être des actuels du sérail) a ouvert un blog qui traite de Pensée navale, d'emploi des forces, de réorganisation des armées et d'autres sujets approchants. Même si les thématiques abordées sont principalement navales (Le Fauteuil de Colbert y trouve des collègues), des articles traitent d'autres milieux d'emploi. Il y a des constations et des propositions et cela n'en est pas le moindre des mérites.

NDLR : merci à vous chers lecteurs de votre soutien, confiance et passage, le mois de Juillet est le mois le plus élevé en nombre de visiteurs uniques depuis plus de deux ans!

lundi 1 août 2011

Médias sociaux : quand notre attrait pour la nouveauté, nous fait perdre notre latin

La nouveauté attire et il paraîtrait même que notre cerveau mémorise bien mieux un événement qui rompt l'habitude. Chez certaines personnes n'appréciant pas le changement, elle est source d'inquiétudes. Mais généralement, elle fascine et interroge, tout en nous faisant bien trop souvent oublier de garder un peu de recul pour l'analyser et la mettre en perspective.

Ces miraculeux médias sociaux

Ainsi, un des sujets du moment qui souffre sans doute de cet empressement est celui des réseaux sociaux dont l'apparente révolution permanente fascine. Rendez-vous compte, Facebook a mis 850 jours pour atteindre les 10 millions d'utilisateurs, Twitter 750 jours et Google+ moins de 20 jours! Exceptionnel!

N'oublions pas, il paraîtrait même que ces médias sociaux renversent "des dictatures". Hélas, il semblerait qu'ils ne puisent y arriver hors de toutes volontés. En effet, en Egypte, ce n'était un changement apparent que pour 3 semaines... Et en Libye, le soft Twitter + le hard des JDAM (des munitions guidées) ne font pas les miracles que les impatients attendaient.

Au secours les Taliban sont sur Facebook

Le 28 juillet, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre via ces médias sociaux : les Taliban ont ouvert un compte Facebook. L'information provient d'un journaliste indépendant présent à Kaboul, vite "confirmée" par un journaliste du respectable Foreign Policy et reprise alors par différents abonnés réputés ou non, crédibles ou non.

Mais bien sûr, les Taliban investissent ces outils afin de répercuter "massivement" leurs messages, de pouvoir réagir aux contre-discours, voir de recruter de jeunes volontaires généralement bien présents sur ces médias sociaux. Après, une arrivée fracassante sur Twitter, Facebook est touché, à quand Google+?

Tout d'abord, quitte à décevoir certains, des comptes se revendiquant de l'Emirat Islamique d'Afghanistan existent sur Facebook depuis plusieurs mois (au moins depuis Janvier). Face à différentes attaques de déni de service, le réseau de ces comptes est, à leur décharge, mouvant et donc difficile à suivre pour un observateur extérieur.

Est-ce si simple que cela?

Ensuite, les Taliban sont sur Facebook, Twitter et la lune : et alors? N'étant que des outils, ces médias sociaux doivent être analysés comme tels sans tomber dans une dérive techniciste qui nous fait trop souvent penser aux voies et aux moyens avant de penser aux fins. Après tout, c'est un mal bien d'actualité.

Bien souvent, ces médias sociaux ne font que reprendre des informations généralement tellement exagérées qu'elles perdent en crédibilité auprès d'une large majorité de l'audience-cible. En plus, ces outils sont des canaux de diffusion qui reprennent, en les déformant, des événements bien réels ayant déjà eux aussi leurs propres conséquences sur d'autres audiences.

Lorsqu'il y a une rumeur, par exemple la mort du mollah Omar (ce qui arrive une fois toutes les trois semaines), le brouillard informationnel dure quelques heures, le temps que l'information soit confirmée par d'autres sources. Si ce genre de rumeur permet sans doute de cartographier certains acteurs influents et les opinions de chacun, elle ne fait pas gagner une guerre.

Si ce n'est pas que le terrain qui commande, il compte tout de même un peu

Finalement, c'est saisir que cet univers des réseaux sociaux n'est qu'une parcelle du domaine cyber, qui est lui même relié par de multiples canaux à ce qui se passe sur d'autres champs de batailles comme celui des montagnes, des villes et des déserts afghans, celui des chancelleries et des lieux de décisions, celui de l'action sur les consciences, etc.

Il n'est pas autonome et doit être comme d'autres mis au service de l'objectif tout en se demandant s'il est d'ailleurs utile. Aujourd'hui, il est sans doute nécessaire de parler à ce sujet de Retour sur Non-Investissement (plus que de RoI). Mais il ne faudrait pas alors tomber dans un excès inverse, il est vrai actuellement plus présent dans certaines analyses que dans les faits.

PS : à ma connaissance, une vraie info sera quand des mouvements autres que celui des Taliban rejoindront ces outils... Pour le moment, rien ne tombe dans ma veille à ce sujet...