mercredi 29 septembre 2010

Silence, paroles et organisation

Pendant longtemps, le silence, tout militaire, a été synonyme d’efficacité dans le domaine économique. Dans les manufactures et les usines, les ouvriers travaillent en silence, concentrés sur leurs machines. À part les ordres des contremaitres, les discussions sont vues comme une source de gaspillage.

Le silence règne aussi au sein des directions et autres bureaux (openspaces et autres). Or depuis les années 90, les gourous managers ont prouvé que le silence a un coût certain sur les individus en termes de conflits non réglés, de frustrations ou de ressentiments qui impactent sur la productivité et la recherche de la créativité.


Certains déclarent que « Des forces puissantes causent d’énormes pertes d’informations concernant des problèmes potentiels. Nous examinons aussi certains effets négatifs du silence systémique, en particulier concernant la capacité des organisations à accepter le changement et à se développer dans un contexte pluraliste ».

Proposant une nouvelle recette miracle, ces consultants préconisent aux entreprises coachées de collecter et de se servir des commérages, expériences et discussions de leurs membres. Elles doivent muter en « organisations narratives ». Elles peuvent en tirer des informations pertinentes et utiles pour leur développement.

Dans cette logique, le magazine Time décerne en 2002 le titre de "personnalités de l'année" à trois femmes ayant brisé ce "silence organisationnel" (cf. infos).

Lors du 1er Café Stratégique, le général Desportes devrait sans nul doute nous donner son point de vue sur la capacité des armées françaises à devenir une organisation narrative en interne comme en externe, les bénéfices attendus et les avancées de ce brusque processus entamé pour aller dans ce sens.

mardi 28 septembre 2010

Sur le front des SMP

Le nombre de contractors tués en Afghanistan et en Irak sur les six premier mois de 2010 a dépassé pour la première fois celui des soldats. Ce constat montre, s'il cela était encore nécessaire, que le rôle de ces entités est en plein essor.


De récentes publications de centres de recherches rattachés aux forces armées françaises s'intéressent à ces Sociétés Militaires Privées (terme commun qui permet de ne pas rentrer dans des querelles de définition).

Le CDEF publie un Cahier de la Recherche sur l'emploi de ces SMP en Irak et en Afghanistan. Ouvrage de vulgarisation, il dresse un panorama dans les grandes lignes, en insistant sur l'emploi opérationnel, décrit la position française (en cours de redéfinition) et permet de se rendre compte des contradictions engendrées pour certains lors de l'appel à ces sociétés.

Dans la newsletter mensuelle de l'IRSEM (s'abonner si cela n'est pas déjà fait), Guillaume Lasconjarias revient sur le décret pris fin août par le président afghan visant à interdire dans un délai de quatre mois les SMP. Coup politique pour renforcer son autorité, réelle volonté de limiter leur emploi et les bavures afférentes, pied de nez à ses alliés?

Dans la continuité, on lira l'analyse sur ce décret de Georges-Henri Bricet des Vallons, spécialiste français reconnu du phénomène (cf fiche de lecture sur un de ces ouvrages).

lundi 27 septembre 2010

Colloque sur "Les mouvements d'opinion"

L'Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole Militaire (IRSEM) organise le 30 novembre un colloque consacré à l'étude des mouvements d'opinion dans une optique : "quels enjeux et quels intérêts pour les militaires?"


Récemment, des affaires ont fleuri sur l'impact opérationnel des opinions publiques et de leurs changements. Pas forcément apprécié à sa juste valeur, l'apport du WEB 2.0 interpelle. Pour les militaires, comprendre, anticiper et influencer sont autant de possibilités à mettre en œuvre.

Le programme est disponible sur leur site internet.

En complément ou en préparation, le lecteur ne manquera pas de lire le Focus Stratégique de l'IFRI rédigé par François Geré qui est consacré à l'action psychologique dans la contre-insurrection : entre tradition et modernité

dimanche 26 septembre 2010

Café Stratégique - Pensée stratégique française

L'Alliance Géostratégique est heureuse de vous inviter à son premier Café Stratégique qui aura lieu le jeudi 7 octobre de 19h à 21h au café Le Concorde, 239 bd Saint Germain à Paris (cf. plan).

(Cliquez dessus pour voir en grand).

Lors de cette rencontre, qui se veut un moment de débats entre l'invité et l'assistance, nous recevrons le général (2S) DESPORTES qui nous parlera de l'actualité de la pensée stratégique française.

Officier de cavalerie, stagiaire à l'US War College, attaché des forces terrestres à l'ambassade de France aux États-Unis, commandant du CDEF puis du CID, rédacteur d'ouvrages et d'articles, qui mieux que lui peut s'entretenir avec vous de cette pensée stratégique française dont il est un brillant acteur et un infatigable promoteur.

vendredi 24 septembre 2010

La réunification allemande et les feux de signalisation

Lors d’une conférence de presse tenue le 22 septembre 2010, le ministre de l’Intérieur allemand (CDU), Thomas de Mazière, a tiré le bilan de la réunification allemande. Près de vingt ans après “l’entrée de la République démocratique allemande (RDA) dans la loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne (RFA)”, la conclusion est globalement positive même si tout n’est pas parfait. Quel meilleur symbole des avancées et des rebondissements que l’histoire du petit bonhomme ornant les feux de circulation ?


La suite de cette histoire instructive pour comprendre les frictions engendrés par un tel acte géopolitique est à lire sur l'Alliance Géostratégique.

mercredi 22 septembre 2010

Citation 20

"Reviens avec ou sur ton bouclier"

Ainsi auraient parlé les femmes spartiates à leurs maris ou à leurs fils quand ces derniers partaient à la guerre. Reviens victorieux les armes à la main ou alors reviens mort transporté sur ton bouclier.

La véracité de cette maxime populaire, qui fait la part belle à l'heroïsation de la mort, repose sur une citation du philosophe Plutarque dans un traité de morale, auteur surtout connu pour ses biographies appelées Vies parallèles des hommes illustres.

mardi 21 septembre 2010

Le KGB en Afghanistan

En janvier 2010, le Collège de Défense de l’Otan a publié une courte et intéressante fiche de lecture sur un livre intitulé Le KGB en Afghanistan. Cet ouvrage collectif est paru à Moscou en 2009. Il compile les témoignages de plusieurs dizaines d’anciens officiers Biélorusses du KGB ayant servi en Afghanistan de 1979 à 1988.


Les difficultés de recrutement des sources, l’emploi de la torture, le contre-espionnage vis à vis des Pakistanais, l’interceptions de communications électroniques, les mission des équipes de forces spéciales du KGB ou la coopération avec le service secret afghan (Khad équivalent du NDS actuel) sont abordés dans ce livre, et dans une moindre mesure dans la fiche.

Alors que la CIA est souvent critiquée pour ses possibles/prétendues difficultés à gérer le volet contre-terrorisme (renseignement, capture, élimination, etc.) ou fait l’actualité lorsqu’une de ses anciennes sources se fait exploser, il est toujours intéressant de se renseigner sur les méthodes employées par l’un de ses anciens adversaires viscérales.

En complément, je conseille la lecture de la Note d’actualité n°223 d’Alain Rodier du CF2R sur L’importance du chef de poste de la CIA à Kaboul.

lundi 20 septembre 2010

Quel fournisseur de sécurité au Niger? (MAJ1)

Suite au récent enlèvement des Français travaillant pour l'entreprise Areva au Niger, les analyses se sont surtout concentrées sur la mise en avant de la menace AQMI, amas d'activistes régionaux (avec de fortes ramifications internationales) labellisé sous la franchise internationale qu'est Al-Qaida et les moyens mis en place pour libérer les otages (ici par exemple).

Un second axe pourrait se concentrer sur la question de la privatisation de la sécurité. Les cas irakien et afghan concentrent les regards par l’ampleur du phénomène, mais depuis l'épopée du mercenariat romantique des "Affreux" et "chiens de guerre", l'Afrique est toujours un marché pour ces sociétés militaires privées (je ne rentre pas dans le débat de l'acronyme à donner à ces entités économiques...).

Ici, les principaux contractants ne sont pas les États souhaitant externaliser des fonctions d’appui et de soutien aux forces mais les multinationales (en particulier celles responsables de l'exploitation des ressources). Dans le cas Areva, les ravisseurs auraient bénéficié de complices au sein du personnel en charge de veiller sur le complexe résidentiel des ressortissants étrangers.

Il serait trop simple de voir ici uniquement les faiblesses de ces sociétés recrutant des employés locaux, moins chers et connaissant l'environnement, mais pas forcément recommandables. Les anti-SMP brandiraient alors la solution miracle qu'est le retour de l'État-modéle dans ses attributions régaliennes qui se doit d'assurer la défense du territoire et la sécurité de ses habitants.

Et le débat n'a pas manqué avec les révélations (démenties par Areva) que la société aurait refusé l'aide des forces de sécurité nigériennes déjà présentes pour assurer la protection des sites d'extraction de l'Uranium. Elle aurait préféré des gardes privés non armés, mesure sans doute un peu légère dans un contexte dégradé connu du fait de nombreux signaux faibles captés sur la menace (quelques infos sur le dispositif et le site de la société EPEE).

Pour modérer cette ardeur, il est bon de rappeler qu'au Nigéria, pays voisin en proie à l'activité de mouvements d'émancipation et à la grande criminalité, les multinationales ont fait le pari de confier leur sécurité aux forces gouvernementales. Le retour de l'État direz vous.

Pas vraiment en fait. Elles ont en effet mis la main à la poche pour fournir des bateaux, des hélicoptères et des véhicules dont les forces gouvernementales se servent pour patrouiller, en particulier autour des infrastructures pétrolières (terminaux et plates-formes). Ni nouveaux corsaires, ni armées en leasing, mais un curieux mélange.

jeudi 16 septembre 2010

La nouvelle revue DefNat presque 2.0


L'antique et vénérable revue Défense Nationale créée en 1939 bénéficie récemment d'un nouveau site internet (www.defnat.com) qui l'a fait rentrer un peu plus dans une nouvelle ère et une nouvelle dimension.

En plus de retrouver les sommaires de tous les anciens numéros, de pouvoir les acheter en ligne, de consulter les annonces des Cahiers numériques, il est possible de consulter de nombreux articles librement (une trentaine).

Le petit plus réside dans la parution de deux tribunes chaque semaine. Vous y découvrez déjà des propos sur Suchet comme maître en pacification ou la présentation du modèle du "mobile" pouvant aider à prendre en compte et comprendre la complexité.

mardi 14 septembre 2010

Ce qu'il ne faut pas faire

Si les méthodes de représentation de l'information ne sont pas le domaine de prédilection de ce blog, je me suis parfois penché sur les outils issus du monde de l'entreprise et adoptés par les militaires. Ainsi, de récentes affaires ont mis en avant l'usage déraisonné du logiciel PowerPoint.

La vidéo qui suit me semble particulièrement didactique et surtout pleinement représentative des dérives souvent observées. Elle est l'œuvre de l'Américain Don McMillan, ingénieur informaticien qui aujourd’hui est surtout connu pour ses one-man-show humoristiques sur le monde de l’entreprise.


samedi 11 septembre 2010

Lecture - Guerre des chiffres et chiffres de guerre

Immense vanité personnelle, je me permets de signaler la récente parution d'un de mes articles dans l'incontournable revue stratégique française qu'est le mensuel DSI.

Dans le numéro 62 de septembre (sommaire), je traite des metrics, ces indicateurs de performance issus du monde civil et qui inonde la manière de mener la guerre depuis la Seconde Guerre Mondiale et plus récemment le Vietnam, l'Irak ou l'Afghanistan.

D'outils premiers d'aide à la décision facilitant le néfaste micro-management, ils sont devenus de plus des objets politiques à part entière qui empêchent une véritable réflexion sur les buts poursuivis.

Je suis ouvert sur ce blog à toutes les critiques, félicitations, contradictions, commentaires, etc.

jeudi 9 septembre 2010

Lecture - Le fait aérien en Afghanistan

Le Centre d'études stratégiques aérospatiales(CESA), en charge de "la réflexion air et spatiale" au sein des forces françaises, a mis en ligne les actes d'un colloque intitulé "Le fait aérien en Afghanistan" qui s'était tenu le 1er décembre 2009 à l'École Militaire. Cette rétrospective "Air" de ce conflit mérite d'être lu.


Les amoureux de technique trouveront leur compte avec des détails précis et du retex sur l'emploi de l'arme aérienne (largage de matériel, appui-feu, gestion de la 3D, les drones, les hélicoptères). Les interventions du chef d'état major de l'armée de l'Air afghane et de l'ambassadeur afghan en France apportent un petit plus.

Je laisse à votre réflexion cette citation du général commandant le CESA sur l'importance politique de l'arme aérienne non sur le plan sécuritaire mais sur celui de la construction étatique, de la gouvernance presque.
De fait, la puissance aérienne constitue la condition sine qua non d’une progression de la souveraineté de l’Etat afghan dans un pays humainement morcelé et géographiquement accidenté qui ne laisse aucune autre alternative que le combat asymétrique.
Quelques billets sur l'arme aérienne en Afghanistan:

mardi 7 septembre 2010

Dix principes de la propagande militaire (+MAJ)

MAJ 1 (04/09/2013) : en Syrie comme ailleurs, la guerre est la dialectique des volontés entre - au moins - 2 acteurs, où les uns comme les autres usent de ressorts assez similaires...

Au détour de lectures d’été (merci F-B Huyghe), j’ai redécouvert les travaux du travailliste et pacifiste britannique sir Arthur Ponsonby (1871-1946) sur les mensonges développés par tous les camps lors de la Première Guerre mondiale. Un de ses pamphlets sur les histoires d’atrocités censées avoir été commises est librement disponible sur Internet.

 
Des ses travaux de pionnier, les spécialistes de la communication et de l’information en tirent communément dix articles applicables à de nombreuses situations, aux dernières guerres (Kosovo, Irak, Afghanistan, Liban, Gaza, etc.) mais aussi à d’autres situations d’oppositions dans le domaine sportif, économique, social.
  1. Notre camp ne veut pas la guerre.
  2. L’adversaire est responsable de son déclenchement.
  3. L’adversaire est moralement condamnable (c’est « l’affreux » de service).
  4. La guerre que nous menons à de nobles buts.
  5. L’ennemi commet des atrocités délibérés, nous pas.
  6. Il subit plus de pertes que nous.
  7. Dieu est avec nous.
  8. Le monde des arts et de la culture nous approuve.
  9. L’ennemi utilise des armes illicites.
  10. Ceux qui mettent en doute ces neuf points sont des traîtres ou des victimes des mensonges adverses.
C’est aussi à lui que nous devons en partie la réactualisation de la célèbre sentence : « Quand la guerre est déclarée, la vérité est la première des victimes », proclamée auparavant en 1917 par le sénateur américain Hiram Johnson.


Célèbre affaire de désinformation dite des couveuses.

Ce décalogue du parfait menteur pour certains ou du communicant réaliste et efficace pour d’autres peut servir de grille d’analyse simple dans de nombreux cas. Il serait surement utile pour l’allié Charles Bwele, actuel pourfendeur de mensonges (merci de m'avoir donné de l'inspiration pour le sujet du billet!).

jeudi 2 septembre 2010

De la liberté de ton de l'autre côté de l'Atlantique

Ayant fait moins de bruit que « l’affaire » Desportes (lire à ce sujet l’excellente analyse de ce bon vieux Carl, intemporel auteur caustique à succès du mensuel DSI), le récent retour à la maison d’un colonel réserviste américain permet de relativiser de nombreux propos entendus à ce moment là.

Le colonel Lawrence Sellin n’a pas critiqué lui l’attitude renfermée des USA, le plus grand actionnaire de la coalition internationale en Afghanistan qui a donc une voix au chapitre en conséquence et qui prête une oreille peu attentive aux appels des petits porteurs (comprendre les Autres qui n’ont pas la masse critique pour peser).

Ce réserviste, qui en était à son deuxième tour en Afghanistan et qui est diplômé d’un PhD, a critiqué la manière dont agit l’IJC (ISAF Joint Command), une xième structure créée il y a un an et commandée par une général américain triplement étoilé. Elle a la charge avec une équipe, à l'origine réduite mais qui enfle de plus en plus, de gérer l’ensemble des opérations au quotidien (dans un créneau de 12 à 24h).

Ces critiques (voir les propos en question) sont hélas symptomatiques de maux visibles dans d’autres état-major. L’usage jusqu’à la nausée du PPT (se remémorer le bol de nouilles censé simplifier la compréhension de la situation), leur préparation devient l’activité structurante des rats d’état-major, le message doit correspondre aux attendus, les rapports sont routiniers et redondants, etc.

Alors aux États-Unis, les militaires ont-ils réellement l’opportunité de pouvoir critiquer le Système sans risque sur le fond ou la forme ? Est-ce réellement un modèle pour notre bonne dictature franchouillarde de la pensée stratégique unique ? Si Gentille et consorts existent encore, ne seraient ce pas parce qu'ils ne sont pas réellement à contre-courant ?

L'affaire a plus fait parler d'elle sur les blogs anglophones qu'en France, of course. Lire donc à ce sujet les analyses de Ghosts of Alexander (qui est de retour) ici ou .

mercredi 1 septembre 2010

Citation 19


Les choses ont-elles tant changé depuis 250 ans et les régiments étrangers au service d'une Nation ?
Le soldat étranger vaut trois soldats à lui seul: un enlevé à l’ennemi, un gagné pour l’armée française, un Français épargné qui peut réserver ses forces à un avenir productif.

Par le duc Étienne-François de Choiseul, secrétaire d'État aux Affaires Étrangères puis secrétaire d'État à la Guerre et à la Marine de Louis XV.