mardi 29 juin 2010

Quand l'armée américaine déménage...

Pour la logistique militaire américaine, réduire la voilure en Irak est une tâche aussi ardue que de rassembler une force internationale d’invasion à des milliers de kilomètres des États-Unis, suivre la rapidité des avancées fulgurantes lors du lancement de l’opération Iraqi Freedom en mars 2003 ou répondre aux besoins quotidiens durant sept années d'occupation marquées par l’emploi massif de « bombes de fortune » sur les axes routiers.

Aujourd'hui, la machine de guerre américaine lève le camp avec hommes, véhicules, armes et bagages.

L'ampleur du transfert engendré par la simultanéité d’un double mouvement, passage en Irak à une force de moins de 50 000 hommes pour août 2010 et l’envoi en Afghanistan de 33 000 hommes, est comparée à l’effort logistique de la Seconde Guerre mondiale. D’ailleurs, la manœuvre logistique actuelle est baptisée Nickel II en mémoire de la volte-face de la 3ème Armée du général Patton. En trois jours, en décembre 1944, l'homme de fer fait pivoter l'ensemble de ses troupes du Nord vers l’Est pour participer à la contre-attaque suite à l'offensive dans les Ardennes.

Après un recensement minutieux des stocks et une étude des coûts de transport par parcs, trois options sont possibles pour chaque équipement. Certains sont directement transférés en Afghanistan, d’autres sont envoyés aux États-Unis pour servir aux entraînements et les derniers restent sur place. En une année (sur un retrait promis en 16 mois par le président Obama...), 35% des équipements devant quittés l’Irak l’ont réellement fait.

Cet effort titanesque impliquerait le mouvement de trois millions de pièces d’équipements, la fermeture en Irak de 350 postes avancés, le transfert de 88 000 containers et de 41 000 véhicules (dont de nombreux véhicules MRAP d’un modèle trop lourd pour être employés sur les routes afghanes ou alors pas assez robuste pour le relief). De plus, de nombreux véhicules rejoignent les stocks de l’armée et de la police irakienne : leur coût de transfert vers une destination hors d'Irak étant supérieur à leur valeur unitaire.

Dans ce chassé-croisé, la priorité numéro un est bien de soutenir l’effort de guerre en Afghanistan. Aux hommes envoyés en Afghanistan s’ajoutent les 5 000 véhicules nécessaires à leur mission, l’envoi de la dernière génération de véhiculés protégés, le MRAP appelé M-ATV à un rythme de 500 par mois, de ballons dirigeables pour une surveillance longue durée d’une zone, etc. Et tout cela par des voies d'acheminement saturées…

En Irak, la quasi-totalité des équipements transitent via le Koweït, véritable plaque tournante aéroportuaire et possible nœud vulnérable. La flotte militaire américaine de 18 navires roll-on/roll-off est grandement mise à contribution, en plus de navires privés affrétés pour l'occasion. Enfin, les sociétés militaires privées spécialisées dans le transport, le soutien, la maintenance, etc. participent à ce grand déménagement. Si l’empreinte au sol des militaires américains se réduit (passage à une force à l'été 2010 de moins de 50 000 militaires américains), celle des civils sous contrat avec le ministère de la Défense ne suit pas proportionnellement cette décroissance.

Pour la logistique de l'armée américaine, s’en aller n’est définitivement pas plus simple que d’y aller ou d’y être.

vendredi 25 juin 2010

Rappel - Colloque : La logistique, fonction opérationnelle oubliée?

On me signale dans l'oreillette, qu'il reste encore des places disponibles pour assister au colloque sur la logistique comme possible fonction opérationnelle oubliée. Il se tiendra le mardi 29 juin 2010 à l'École Militaire (Paris-7ème), amphithéâtre Lacoste.

L'Alliance Géostratégique et le club Participation et Progrès vous attendent pour un riche programme (1ère table ronde, 2nde table ronde, et les suivantes...).

L’entrée est toujours libre et il est toujours demandé de s'inscrire simplement auprès d’AGS :
alliancegeostrategique@gmail.com

En espérant vous voir nombreux lors de cet événement pour parler d'un aspect peu traité et néanmoins fondamental des opérations militaires.

Il permettra en plus à certains de connaître ceux qui se cachent derrière des pseudos, noms d'auteur, et autres mails anonymes, etc.

mercredi 23 juin 2010

L’USMC et Charles Darwin + MAJ

Un article du Los Angeles Times daté du 21 juin 2010 revient sur les réflexions ayant actuellement cours quant au futur du Corps des Marines des États-Unis, cette composante interarmées intégrée des forces armées. Évoluer ou disparaître ?La mission génétique de l’USMC est d’être un corps expéditionnaire tourné vers le combat terrestre après un déploiement depuis la mer et sous couverture aérienne. Il s’y entraîne toujours, comme le démontre l’exercice décrit, mais de manière moins régulière.

En effet, depuis la Guerre de Corée, les Marines ont mené peu d’actions de vive force de la mer vers la terre et au mieux, d’une ampleur limitée (en particulier au Vietnam). Rien de comparable avec septembre 1950 et le débarquement sur les arrières de l’ennemi à Inchon.


Vue du débarquement d'Inchon le 15 septembre 1950 (crédit AP).

Les Marines ont connu la région d’Anbar en Irak et du Helmand en Afghanistan pour de la contre-insurrection, le Liban pour de l’évacuation de ressortissants, etc. Si le modèle massif d’Iwo Jima n’a plus été rejoué, des opérations réduites ont été menées avec une composante amphibie, comme à Haïti pour l’opération humanitaire après le récent séisme.

Comme l’a énoncé le secrétaire à la Défense, Robert Gates, le coût actuel d’une telle opération ferait qu’elle ne serait pas forcément employée. Des organisations comme le Hezbollah, des états comme la Chine, ont des systèmes anti-navires longue portée employables pour interdire l’accès aux cotes.

Ainsi, trop hasardeuse, ces opérations sont-elles appelées à mourir ? Faut-il maintenir ses compétences de peur de les perdre et même si elles ne sont pas employées actuellement ? La plus grande dureté des futurs combats, prédite par nombre d'observateurs, fera-t-elle que de telles opérations soient à nouveau possibles qu'importe le prix ?

Autant de questions auxquelles les Marines tentent de répondre. Entité à part justifiant son existence par un positionnement dans une niche, l’USMC se doit doublement de s’adapter pour survivre comme institution. Poursuivre à représenter une plus value (la double intégration aéroterrestre et aéromaritime, par exemple), tout en répondant aux défis du moment.

MAJ : le Los Angeles Times a donné à un lieutenant-colonel des Marines un droit de réponse. Il y développe le concept de "crisis responce force" pour des objectifs médians (tenir des points, des camps, être une force d'intervention d'urgence, missions humanitaires, etc.). C'est pour lui, un des futurs de l'USMC.

mardi 22 juin 2010

Vanité des vanités, tout est vanité

Le rédacteur de Mars Attaque est très heureux (et pas peu fier) de vous annoncer la naissance du petit premier. Un bel article de trois pages paru dans le Hors-série de DSI spécial Eurosatory traitant de l’avenir des blindés.

L’article intitulé "les opérations de bréchage : de l'enfer normand à l'enfer afghan" s’intéresse au franchissement de vive force d’obstacles battus par les feux du Débarquement en Normandie jusqu’aux monstres britanniques et américains opérant en Afghanistan.

Pour du plus théorique et de la sainte prospective, ne manquez surtout pas l’entretien avec le général Vincent Desportes. Avant d’être le commandant du CDEF puis le directeur du CID, il a surtout été un officier de cavalerie.

Et suivez aussi le camarade Benoist Bihan dans ces réflexions sur le concept de Véhicule de Combat d’Infanterie (VCI) et sur la réorganisation des forces blindées de demain. Il a une excellente capacité à « Penser autrement »

lundi 21 juin 2010

Le Helmand, « green zone » et green de golf

Mieux que la Déroute du Monde en Afrique du Sud et après le water-polo afghano-américain, c’est bien de green de golf dont il sera question, et en Afghanistan. Les analyses d’une information anodine permettent réellement de couvrir tout le champ du possible…

Si un caillouteux parcours 9 trous situé à l’est de Kaboul a ré ouvert en 2004, ce n’est que récemment que certains GI’s et Marines américains profitent d’infrastructures plus précaires pour s’adonner à cette activité dans le sud afghan.

En effet, la chaîne américaine CBS rapporte que des amateurs américains de golf ayant des proches déployés en Afghanistan ont décidé d’y envoyer les balles usagées de leurs clubs respectifs pour que les militaires puissent taper dans la petite balle blanche.

Le militaire voit dans la pratique du golf une activité de détente qui permet de s’extraire du quotidien stressant des patrouilles ponctuées par les explosions d’IED.

Le citoyen engagé défend cette initiative, simple à réaliser et lien qui unit la société à son armée. Ces balles sont l’équivalent pour les adultes des dessins d’enfants envoyés à Noël.

L’écologiste dénoncera les conséquences néfastes de multiples balles qui, se décomposant, relâchent des produits toxiques dans l’écosystème, en particulier dans le fleuve.

Le sportif aventurier du dimanche prévoit d’organiser le premier Open de Golf du Helmand et se dit que le golf est vraiment un sport d’homme : c’est même pratiqué par les Marines.

Le culturaliste se dit que l’usage du golf en Afghanistan est un marqueur de transposition culturelle, l’hybridation d’une « American way of life-Afghan local color ».

L’anti-capitaliste s’insurgera contre la pratique d’un sport de bourgeois auprès des pauvres paysans afghans, prolétaires locaux dominés par le haut patronat militaire yankee.

À toutes ces analyses réellement lues sur Internet s’ajoute la vôtre qui est sans doute encore différente…

samedi 19 juin 2010

Le futur réseau ferré afghan au cœur d’enjeux stratégiques

Le premier tronçon ferroviaire de l’histoire de l’Afghanistan a été inauguré à la fin du mois de mai. Un convoi comprenant 27 containers de marchandises, parti le 14 mai de Riga en Lettonie, est arrivé le 9 juin à la frontière entre l’Afghanistan et l’Ouzbékistan après un passage par la Russie. Ces premiers 75 kilomètres de rails en territoire afghan sont avant tout symboliques. Mais un signe positif dans une avalanche de mauvaises nouvelles.

La ligne doit relier à terme la frontière ouzbèke avec la ville de Mazar-e Sharif. Les retombées attendues sont importantes, en particulier pour la logistique des 140 000 militaires de la coalition. En effet, le coût du transport par voie ferroviaire revient à 10% de celui par air. De plus, cette ligne désengorge les voies d’approvisionnement passant par les cols saturés et dangereux de la frontière afghano-pakistanaise.

Les différents dirigeants de l’Afghanistan, en particulier les monarques, ont toujours refusé la construction de voies ferroviaires dans leur pays. Ils voyaient ces infrastructures comme un moyen d’être asservi à l’une ou l’autre des puissances (Russie ou Grande-Bretagne) qui se disputaient alors ces régions d’Asie Centrale. Aujourd’hui, les projets se multiplient.

Les possibles ingérences étrangères ont-elles pour autant disparu? En plus de cette ligne financée à 97% par la Banque Asiatique de Développement, une ligne Herat-la frontière iranienne doit prochainement ouvrir en plein territoire indien du sud afghan. Enfin, au moins deux projets sont en cours d’études par des firmes minières chinoises, tout en s’attirant les foudres de la diplomatie indienne…

L’arrivée à maturité de nouveaux moyens de transports a été un marqueur de modernité lors de la Seconde Révolution Industrielle (mi-19ème siècle - veille de la Première Guerre mondiale). Ainsi, en Grande-Bretagne, la première ligne ferrée est inaugurée en septembre 1825 pour le transport du charbon et en 1830, la première ligne régulière de transport de passagers relie Manchester à Liverpool. La révolution ferroviaire ne fait que commencer.

Le très malhabile secrétaire de la Défense britannique, Liam Fox, ne pourra plus dire que l’Afghanistan “n’est qu’un pays troublé du 13ème siècle”. Avec son réseau ferré, l’Afghanistan rentre au minimum dans le 19ème siècle…

Article publié simultanément sur l'Alliance Géostratégique.

vendredi 18 juin 2010

Des gardes suisses à Blackwater

Après un numéro 1 sur "Les crises en Afghanistan depuis le XIXème siècle", actes d'une journée d'études malheureusement non disponibles sur Internet, l'Institut de Recherche Stratégique de l'École Militaire met en ligne le volume 1 du numéro 2 des "Études de l'IRSEM".

Intitulé "Des Gardes suisses à Blackwater - Mercenaires et auxiliaires d'hier et aujourd'hui", cette imposante monographie apporte des clés de compréhension d'un phénomène qui ne peut plus être ignoré : les acteurs de la violence à l'œuvre au cours des oppositions armées ne sont plus uniquement des combattants et des non-combattants enrégimentés.

Sous la direction de Jean-Jacques Roche, l'un des grands noms français sur ce sujet, les auteurs dressent un panorama du phénomène dans une approche historique. Les idées reçues sont battues en brèche, les différents aspects (juridiques, économiques, politiques) sont traités et de nombreuses questions trouvent ici des réponses étayées.
Depuis le conflit irakien, l’étude des origines du mercenariat apparaît comme une priorité pour répondre aux interrogations suscitées par la généralisation massive du recours aux sociétés militaires privées.
Jean-Jacques Roche propose à travers les pages de ce rapport de se plonger dans la dimension historique des sociétés militaires privées (SMP), de la Rome antique à la guerre du Viêt-nam en passant par la cour des rois de France et les casernes de la Légion étrangère d’Aubagne et permet de vérifier que le mercenariat est présent à toutes les époques.
En effet, l’espace du mercenariat n’a cessé de s’étendre. Hier circonscrit aux conflits oubliés d’Afrique et d’Amérique latine, il s’est élargi aujourd’hui à la planète entière.
Les auteurs abordent le mercenariat au fil du temps et de l’histoire, en contournant les idées reçues et en analysant de façon académique et scientifique ce phénomène qui fascine de nombreux journalistes ou écrivains.
Le lecteur pourra aussi se rapporter à l'étude de cas fort bien traitée par Geroges-Henri Bricet des Vallons sur les armées privées en Irak.

samedi 5 juin 2010

La logistique, fonction opérationelle oubliée

L’Alliance Géostratégique parraine le colloque organisé par le club de réflexion Participation et Progrès sur « La logistique, fonction opérationnelle oubliée ».

Le colloque se déroulera le mardi 29 juin à l’École Militaire (Paris 7ème) dans l’amphithéâtre Lacoste. L’entrée est libre, mais nous vous demandons de vous inscrire auprès d’AGS : alliancegeostrategique@gmail.com

Entre permanences et mutations, la logistique est au cœur de nombre de réflexions menées afin d’adapter cette fonction majeure au monde d’aujourd’hui. Loin de reposer uniquement sur l’aspect managérial de la gestion de stocks, de flux, etc. , la logistique s’inscrit dans un cadre plus complexe traitant de la stratégie des accords de passages, d’approche multi-acteurs, de procédures en zone de combats, etc.

Autant d’aspects qui seront traités par des chercheurs et des praticiens, des militaires et civils, des institutionnels ou des industriels. Avec en prime, plusieurs interventions de membres les plus imminents de l’Alliance géostratégique. La journée sera organisée en quatre tables rondes intitulées :

1ère table ronde : Comprendre la logistique dans les conflits modernes
2ème table ronde : La logistique moderne : ce que l'on garde et comment on l’organise
3ème table ronde : La logistique et l'industrie
4ème table ronde : Quel partage entre logistique militaire et civile ?

En espérant vous voir nombreux lors de cet événement.

vendredi 4 juin 2010

Violence et contre-violence en zone urbaine

On me prie de signaler la sortie de l'ouvrage « Émeutes, terrorisme, guérilla… Violence et contre-violence en zone urbaine » écrit par les généraux (2S) Loup Francart et Christian Piroth.

Le premier dirige depuis sa création le cabinet de conseils Eurocrise tandis que le second assure des études opérationelles au profit des armées françaises. L'un comme l'autre animent le débat stratégique français depuis de nombreuses années (maîtrise de la violence, action en zone urbaine, agir dans le champ psychologique, etc.).
Un ouvrage apportant des réponses au problème de la violence collective en zone urbaine dans les conflits et crises rencontrés un peu partout dans le monde. Une démarche intéressante à découvrir, un guide pour la réflexion. En effet, si de nombreux auteurs traitent de la guerre en ville, très peu ont abordé la lutte contre les formes de violence collective dans les zones urbaines, que celles-ci soient spontanées ou organisées, depuis les mouvements de foule et les affrontements entre communautés jusqu’au terrorisme, à la guérilla ou à la criminalité.
Dans cet ouvrage, les auteurs traitent de l’évolution du contexte urbain des opérations et s’attachent plus particulièrement aux aspects humains et aux réseaux urbains qui conditionnent l’emploi des forces autant que les aspects physiques de la ville. Ils caractérisent les différentes formes de violence en analysant leurs objectifs, leur stratégie et leurs modes opératoires et surtout proposent des stratégies de réponse adaptées à chacune d’elles. Le propos se situe au niveau politico-stratégique et militaro-stratégique, les aspects tactiques ayant déjà fait l’objet de nombreux développements. Cette approche permet de définir une vision française de ce type d’engagement, vision plus politique, moins technocratique et donc plus humaine que celle d’autres doctrines occidentales.
En voici une autre présentation ainsi que la table des matières extrêmement détaillée. Les lecteurs de ce blog bénéficieront sans doute prochainement d'une fiche de lecture après sa future consultation...

mercredi 2 juin 2010

Évolution chiffrée de la situation

Le New York Times a publié hier le dernier rapport d'une série fort instructive d'outils chiffrés de comparaison réalisés par des chercheurs de la Brookings Institution de Washington.

(Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Il s'agit d'un tableau récapitulatif et illustratif de l'évolution de la situation en Irak et en Afghanistan, ainsi que de quelques chiffres sur la guerre menée au Pakistan. Il compare des variables sur un même mois pour plusieurs années.

Parmi les différents chiffres, on peut ainsi relever que le nombre de troupes américaines opérant en Afghanistan est pour la première fois supérieure à celui des troupes opérant en Irak, que le nombres de civils américains déployés hors de Kaboul a enfin connu une hausse significative, etc.


mardi 1 juin 2010

Ça a planté !

Quelques commentaires à chaud sur l’opération d’arraisonnement de « la flottille de la liberté » menée par les commandos israéliens. Des plus compétents se sont déjà exprimés avant moi (ici, ici ou et encore là).

Pour résumer, l’échec est complet pour Israël : manifestations, condamnations, éloignement de l'ancien allié turc, etc. Il faut encore attendre pour savoir si ces réponses sont seulement conjoncturelles ou plus structurelles des relations Israël/autres états. Seul point positif minime pour Israël, le blocus au large de la bande de Gaza demeure inviolé (mais à quel prix!).

Ce blocus, qui s’affirme encore plus comme un objet politique en lui-même dans les relations internationales et dans les reliquats de pourparlers, est à la fois une assurance vie pour Israël (minimiser le réarmement des groupes hostiles de la bande de Gaza) mais aussi ce qui l’entraîne à sa perte par une obsession à le maintenir inviolé.

En effet, il contraint Israël à agir, et parfois à se planter. Dans le rapport de force Hamas/Israël, les forces de défense israéliennes répliquent par des opérations (généralement des bombardements d’infrastructures ou de tunnels frontaliers avec l’Égypte) à chaque roquette tirée, à chaque intrusion terrestre, à chaque tentative de forcer le blocus. Face à cette flottille, Israël se devait agir pour ne pas créer un précédent. Il ne fallait pas montrer de signe de faiblesse dans la dissuasion mise en place.

Sur l’opération, le bilan est extrêmement lourd (neuf morts chez les militants) alors que la situation a dégénéré sur un seul navire. Des manifestations hostiles multiples auraient été encore moins gérables. Il n’y a pas eu d’assauts multi-directionnels à la fois par hélicoptère et par la mer, permettant de mettre à bord simultanément un nombre respectable de commandos. Ils sont arrivés un par un, peu armés et ont été submergés conduisant à une escalade de la violence jusqu’à l’emploi de la force létale.

La Marine israélienne est le parent pauvre de la Défense israélienne. Les composantes terrestre et aérienne sont plus souvent sur le devant de la scène. La Marine doit donc prouver son utilité (autrement qu’avec ses sous-marins face à l’Iran) et faire oublier des échecs. On se rappelle de la corvette type Saar 5 touchée par un missile antinavire tiré par le Hezbollah alors que le système de protection n’était même pas enclenché. Ainsi, elle arraisonne fréquemment des navires suspects, comme le Karine-A en janvier 2002 ou le Francop en novembre 2009.

Dans le processus de prise de décision, l’habitude d’agir, généralement sans violence, ainsi que le forcing corporatiste de la Marine ont sans doute joué pour faire admettre au politique le plan d’action proposé. Mais, le renseignement a sans doute failli à déterminer les motivations exactes de ces « pacifistes violents », entraînant l’apparition d’un cas non-conforme, non-prévu.

L’emballement médiatique est parti. Que la force soit employée en légitime défense ou non, importe aujourd'hui peu. Les vidéos fournies par la défense israélienne montrant l'accueil réservé aux commandos ne convaincront plus grand monde. « La flottille de la liberté » a plus qu’attiré l’attention sur Gaza : mission réussie, mais là aussi à quel prix.