samedi 7 mars 2009

Il faut sauver le soldat OTAN

Cette semaine, l’IRIS organisait un colloque intitulé : La France, l’OTAN, l’Europe : quelles perspectives de sécurité ? Présent seulement le premier jour, ce compte-rendu ne prendra pas en compte les interventions du mercredi. Ainsi, en négligeant les discours politiques très « langue de bois » ou les présentations mercantilistes d’industriels face aux futures parts de marché, les débats ont été particulièrement riches. Si les tables rondes ne portaient pas directement sur l’adaptation d’une organisation à son contexte, c’est bien cette problématique qui était centrale.

L’Alliance atlantique, pilier inégalé (et victorieux par abandon) de la sécurité collective transatlantique au temps de la guerre froide, demeure un des acteurs des relations internationales. Un monde nouveau, hérité de l’opposition bipolaire, a depuis consacré le multilatéralisme, la déterritorialisation des menaces qui peuvent venir de partout, la défense qui ne se conçoit pas uniquement sur le territoire national, etc. Depuis la chute du mur de Berlin, l’OTAN s’est déjà adapté : Nato Response Force (NRF), restructuration des commandements et forces permanentes anecdotiques. Aujourd’hui, à l’époque d’une crise financière ayant des conséquences sur les budgets militaires, à l’aube de la nouvelle diplomatie américaine du « smart power », à la veille du retour de la France dans un des comités de Défense, l’OTAN des 60 ans, a-t’elle pris le bon chemin pour rester en adéquation avec son temps ?

Le discours justifiant le retour complet de la France, geste anodin matériellement mais politiquement fort, met déjà en avant une adaptation entre l’effort consenti en moyens par la France et les leviers d’influence effectifs à l’OTAN. En effet, la France est aujourd’hui le 4ème contributeur en hommes et en budget mais, comparativement, son poids dans les structures de planification et de décision est faible. En rejoignant le comité des Plans de Défense, quitté en 1966, la France sera alors présente dans 37 des 38 comités du commandement unifié, ne participant pas au groupe des Plans nucléaires. Cette réintégration devrait permettre de mieux peser dans la transformation de l’OTAN et d’avoir plus d’influence dans la prise de décision en espérant pouvoir s’appuyer sur l’Europe de la Défense.

Sur la question de l’élargissement à de nouveaux membres ou de sa zone d’action, deux approches doivent être privilégiés. La première, c’est une analyse pragmatique pour favoriser un « multi-multilatéralisme » avec d’autres organisations : OSCE, UA, etc. Comme il y a plus de crises que de moyens d’y faire face, les moyens indéniables de la somme de potentiels militaires doivent servir une approche politique et non l’inverse. Ensuite, il faut rappeler que l’élargissement, qui conduit à une plus grande zone de responsabilités, s’arrête lorsque la crédibilité cesse. Cet été, la Géorgie dans l’OTAN aurait-elle obligée le recours à l’article 5 ? Pierre angulaire de la défense collective, cette article du Traité de l’Atlantique Nord stipule qu’en cas d’agression armée d’un des membres, l’OTAN doit, par solidarité mutuelle, défendre la victime.

Alors, l’OTAN doit-elle prendre en compte les multiples nouvelles menaces (crimes, cyber-attaques, proliférations, terrorismes, …) ou se concentrer sur le cœur de métier (en faisant le pari que le conflit de haute-intensité reste possible) ? C’est un dilemme entre un risque de marginalisation (si l’OTAN n’agit pas) et d’engrenage (si elle agit trop). Un recentrage sur « une alliance militaire défensive » permet sans doute d’éviter une « dérive des objectifs » mais néglige certains risques menaçant ses membres. En tout état de cause, les difficultés en Afghanistan (épiphonème dans le temps long ou exemple type des futures opérations de l’OTAN ?) met en exergue que l’OTAN, préparée à la défense, ne l’est pas encore pleinement à la gestion de crises qui nécessite la coordination d’un volet civil et de capacités militaires.

Finalement aucun des deux camps défendant une OTAN resserrée ou élargie n’a remporté une franche victoire et c’est sans doute à l’Allied Command Transformation de Norfolk (commandement promis en coulisses à un général européen et peut être à un français) que se trouve une part de la réponse. Or quelques rues plus loin se trouve l’US-JFCOM, le Joint Force Command. C’est un commandement américain sans responsabilité géographique mais dont la fonction est aussi de transformer les forces armées. Cette grande proximité est un bien mauvais symbole à l'heure où l'indépendance d'esprit de la doctrine européenne (pour ne pas dire contre-américaine) est défendue. Pour les sceptiques, on peut au moins donner une chance à ce pari, de s’appuyer sur l'UE pour apporter une « European touch » au processus de transformation de l’OTAN. A l'inverse, cette possibilité ne doit pas être vue comme une consécration par les convaincus mais bien comme une vitale obligation d’émulation collective.

Billet simultanément publié sur Alliance géostratégique.

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